mercredi 10 mars 2021

L'étang mystérieux

 



Renonçant à son titre de «  Dame », Aurore qui établissait une barrière entre son moi profond et son apparence, décida de tourner la page une fois pour toutes.

Personne ne se souvenait d’elle, personne ne l’avait reconnue, petite fille, tenant une poupée dans ses bras pour toute protection contre le monde extérieur, qu’importait après tout ?

Vêtue d’une robe de lin brodée de bleuets et de coquelicots entrelacés dans des épis de blé couleur or, elle se dirigea, avec la légèreté conférée par ses espadrilles, vers l’étang mystérieux, baptisé «  Mer » par les habitants de Fleur-Lez-Lys.

Elle redoutait un peu d’y rencontrer Pierre Dubois car, au vu des croquis réalisés par Florian, il n’était plus l’enchanteur qu’elle avait connu.

« Faute d’enchanteur, je verrai peut-être la vouivre, cette fantasque créature légendaire qui est affiliée à cet elficologue distingué, comme il s’est lui-même qualifié ».

Dans son souvenir il avait une canne.

Précurseur de Patrick Hernandez lors de l’interprétation mythique de Born to be alive, il aimait faire des moulinets et jouer de sa cape, s’en enveloppant à la manière d’un torero.

Mis à part une sarcelle et quelques canards, il n’y avait personne lorsque Aurore s’avança sur les bords de l’étang.

Elle tira de son sac-besace un plaid qu’elle jeta sur l’herbe.

Elle sortit également un carnet et un stylo, un livre de la comtesse de Ségur, ses contes de fées, mais elle ferma un instant les yeux car elle était éblouie par une vive clarté.

Elle s’assoupit sans y prendre garde et lorsqu’elle s’éveilla, un drôle de farfadet la contemplait avec curiosité.

Il lui baisa les paupières et s’allongea près d’elle sur le plaid.

Aurore s’aperçut qu’ils avaient une taille identique et qu’elle n’était ni plus ni moins qu’une poupée.

Elle s’endormit à nouveau et lorsqu’elle se réveilla, ils voguaient dans une barque en écorce de bouleau sur l’étang des merveilles.

Il n’avait jamais aussi bien porté ce nom car Aurore avait l’impression d’être entrée dans le monde des contes auxquels elle était attachée.

Contrairement à la légende qui le voulait petit et laid voire méchant, le farfadet avait un joli visage fin  et des cheveux bouclés. Sa taille était harmonieuse et il était élégamment vêtu d’un costume en velours vert.

L’esquif emprunta un petit bras de mer et ils finirent par accoster au bord d’un ponton de bois.

Le farfadet aida Aurore à enjamber le vide et ils marchèrent côte à côte pour arriver dans une ravissante petite maison forestière.

Aurore s’assit dans un fauteuil à bascule tandis que le farfadet donnait des ordres à une brigade de fées et de lutins qui firent flamber un feu de bois tandis que, dans la cuisine, le chant des casseroles et des cassolettes s’accompagnaient du fumet délicieux de bouchées forestières.

Le repas fut servi dans une jolie pièce éclairée par des flambeaux.

Les mets étaient délicats et savoureux.

Lorsque ce petit festin prit fin, le farfadet, nommé Orlando conduisit Aurore dans sa chambre, appela la fée Nénuphar pour qu’elle aide sa maîtresse à se déshabiller, prendre un bain et revêtir une superbe tenue de nuit.

Elle invita alors Aurore à se glisser dans les draps. De longs voiles protégeaient la personne endormie des cauchemars ou rêves pernicieux.

Aurore s’endormit et lorsque l’aube projeta ses premières lueurs, elle fut à peine étonnée de voir Orlando, assis dans un fauteuil qui la contemplait.

Tandis qu’un vaudeville charmant se dessinait à l’ombre de l’étang mystérieux, on battait la campagne à la recherche de la disparue car on avait trouvé sur le rivage de la « mer » un plaid, un sac contenant un carnet et un stylo, de même qu’un livre de contes.

«  Où qu’elle soit allée, elle aurait dû emporter ces objets » disait-on.

Florian s’en voulut de lui avoir offert l’encyclopédie des lutins de Pierre Dubois. 

«  Elle aura peut-être voulu explorer le monde des farfadets et comme Abeille d’ Anatole France, elle aura été enlevée.

Mais ce n’est pas une petite fille, dit Max, c’est une adulte et on ne peut pas l’enlever avec facilité.

Qui sait ? répondit Florian. Elle est venue ici pour retrouver le monde de son enfance et elle a peut-être subi les effets d’un charme que nous ne connaissons pas.

Vous êtes un incorrigible rêveur s’exclama Max !

Allons, oubliez toutes ces fadaises et reprenons nos recherches, le mystère est là et nous devons explorer les sentiers de la réalité qui nous mènerons, grâce à la logique et le raisonnement, à la résolution de l’énigme qui s’offre à nous » !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire