mercredi 10 mars 2021

Jade à la plume d'argent

 



On connaissait le talent journalistique de Jade mais lors d’une parution de Nord Matin, portant le titre de l’enfance oubliée, assortie de photographies et de croquis représentant Dame Aurore, la Maison des Contes et la maison en pain d’épices, on dut procéder à un tirage exceptionnel car chacun voulait avoir un exemplaire du quotidien qui mettait en exergue l’incroyable oubli d’une personne aussi remarquable.

On se demanda comment se faire pardonner mais la suggestion de Max selon laquelle on ferait passer un cahier où chacun pourrait s’exprimer n’obtint guère d‘approbation enthousiaste.

Comment une enfant douée et lycéenne à une période où rares étaient les élèves provenant d’une commune rurale, avait-elle pu passer inaperçue ? C’était une énigme qui ne semblait pas pouvoir être résolue avec facilité.

Dame Aurore envoya à Jade l’un de ses livres de contes pour la remercier de son excellent article et lui signala qu’elle serait toujours la bienvenue chez elle.

Jade écrivit un autre article pour signaler la teneur littéraire et inventive des contes de l’habitante prestigieuse de Fleur-Lez-Lys et elle lança une invitation sous forme métaphorique suggérant aux habitants de la commune de s’inscrire sur une liste afin de profiter d’un contact avec la personne habitée par les fées.

Florian, le premier de la liste, se présenta à la maison des contes, les bras chargés de présents.

Assortiment de tartelettes à la crème de pruneaux avec croisillons de pâte dorée et amandes effilées sur le dessus, éclairs à la crème pralinée, pain d’épices à l’orange et à la cannelle embaumèrent d’emblée le vestibule.

Dame Aurore se répandit en remerciements, débarrassant prestement le peintre de ces cadeaux gourmands puis elle l’invita à la rejoindre dans le salon dont l’ameublement, la tapisserie et les toiles encadrées témoignaient d’un goût parfait.

Elle déballa un paquet cadeau assez volumineux et elle découvrit, émerveillée, un livre qu’elle avait, à maintes reprises, voulu acquérir.

Il s’agissait de La Grande Encyclopédie des lutins et autres petites créatures de Pierre Dubois.

Elle avait rencontré Pierre Dubois à Valenciennes, à l’époque où il ne s’était pas encore révélé comme le chantre des elfes.

De haute stature, il était en fait assez timide et cachait sa silhouette d’enfant d’enfant-ogre sous des vêtements de couleur sombre et une cape dont il aimait jouer.

Il lui avait suggéré l’achat de quelques livres, incontournables à ses yeux, dont La Vouivre de Marcel Aymé qui l’avait enchantée.

Elle n’avait jamais su, par contre, s’il lui faisait la cour ou si elle lui était indifférente.

Elle rapporta brièvement ces détails à Florian qui lui apprit sa rencontre avec l’étrange personnage.

Il revenait de Brocéliande, auréolé d’un succès télévisé où il apparaissait quotidiennement sous les traits d’un enchanteur, parlant haut et fort, contant une légende avec brio dans un temps limité.

Que s’était-il passé ensuite pour qu’il recherche un peu de quiétude en jetant son dévolu sur Fleur-Lez-Lys et sa « Mer » mystérieuse aux origines inconnues ?

Il avait vécu dans une longère, près de l’atelier de Florian et il leur était arrivé d’échanger quelques mots.

Il aimait observer les toiles en gestation de Florian et pendant qu’il était absorbé par sa contemplation, le peintre l’avait croqué à son insu.

Florian présenta quelques esquisses à Aurore qui fut sidérée par le vieillissement manifeste de cet homme qui se voulait fringant et plein d’énergie autrefois.

Elle se garda bien d’en faire part à Florian mais ce dernier prit note de la déception de la jeune femme.

Aurore, à la demande du peintre, lui conta une histoire de son cru, en l’occurrence, Le domaine du chat botté et tous deux s’envolèrent dans un royaume réellement féerique.

Ensuite, Aurore commanda un repas à un restaurateur ambulant qui concoctait des menus variés et succulents.

Ils mangèrent une part de tourte à la volaille, dorée à souhait, un assortiment de fromages du pays dont le délicieux Maroilles était la pièce principale.

Ils dégustèrent les pâtisseries apportées par Florian au dessert.

Aurore proposa au peintre d’occuper une chambre d’amis, arguant du fait qu’ils avaient bu, certes en quantité raisonnable, des grands crus.

«  Vous ne craignez pas que cette hospitalité puisse nuire à votre réputation » lui demanda Florian, ce à quoi Aurore répondit qu’elle tenait davantage à la vie d’un homme qui aurait dîné chez elle.

Ils se séparèrent pour affronter la nuit.

Aurore rêva que Pierre Dubois, devenu génie des eaux, l’entraînait vers la Mer de Fleur-Lez-Lys, enveloppée dans les grands pans de sa cape.

 

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