mercredi 24 juin 2020

Dans le coeur féerique d'une pivoine


Dans le cœur féerique d’une pivoine
Dans le cœur d’une pivoine, une petite fée, semblable à la fée Clochette, surveillait les abords de l’étal d’une fleuriste, tâchant de deviner si aux alentours il n’y avait pas une âme en peine.
Or il arriva qu’une jolie fille éplorée trébuche sur les pavés, ses beaux yeux emplis de larmes.
Elle venait d’apprendre que son gentil fiancé l’avait quittée pour une duchesse, prêt à renouer avec une intrigue chère à Agatha Christie dans Mort sur le Nil.
«  Des violettes, Mademoiselle » ? lui suggéra la fleuriste.
Afin de se distraire de son chagrin, Flora sortit quelques pièces de son réticule et emporta un beau bouquet de ces fleurs printanières qui embaumèrent bientôt le salon de son appartement.
Elle lut et relut les strophes amoureuses d’un poète ancien et soupira en se disant qu’il avait peut-être brisé un cœur après avoir si bien brodé des stances passionnées.
Minuit sonna mais il n’y eut aucun miracle. Benjamin ne lui reviendrait jamais.
C’est alors que la petite fée Camélia profita d’un rayon de lune et d’une fenêtre à demi-fermée pour s’introduire chez la douce Flora car elle avait décidé de lui porter secours.
Elle attendit le lendemain pour mettre son plan à exécution.
Elle se servit de sa pivoine et d’une flûte en guise de baguette magique pour la draper dans une robe de mousseline rose ornée de chrysanthèmes et de paons brodés.
D’une perle qu’elle gardait d’un collier de la petite sirène, elle fit jaillir et cascader des perles irisées qui devinrent colliers, bracelets et bagues sans oublier des anneaux de cheville qui lui donnaient des allures de Salomé.
Elle effleura ses longs cheveux cendrés et la transforma en diva avec boucles, chignon de danseuse étoile et parures parsemées en rosaces.
Des chaussures élégantes et confortables mi- espadrilles, mi- chaussures de verre comme celles de Cendrillon complétèrent la toilette de la nouvelle Flora.
Camélia s’éclipsa et s’installa dans un mini palais de cristal, observant de loin la métamorphose de sa filleule.
De son côté, Flora se reconnaissait à peine dans le miroir tant sa physionomie respirait le bonheur.
Elle affronta ainsi l’épreuve de la rue, un léger sourire aux lèvres car elle ne voulait surtout pas attirer le regard des voyous qui avaient la fâcheuse manie de la désirer.
Elle ne rencontra personne, s’acheta une paire de gants en dentelle de Caudry pour parachever sa toilette et s’installa dans un salon de thé où elle commanda un tourment d’amour et du thé au jasmin.
C’est alors qu’il apparut, celui qui lui était destiné, à coup sûr.
Svelte et charmant, il portait une bague en onyx, semblable à celle d’un poète breton qu’elle aimait, Eugène Guillevic. De plus, il arborait une pochette en dentelle, similaire à la sienne.
Il prit place à la table voisine, commanda du thé à la rose et un assortiment de macarons.
Ils échangèrent quelques mots entre deux gorgées de ce thé délicieux et parfumé.
Le jeune homme se prénommait Julien, comme Julien Doré, son artiste préféré pensa Flora, et il était joaillier.
Il complimenta la jeune fille sur le choix des bijoux qu’elle portait avec beaucoup d’élégance et de naturel et lui présenta une de ses créations.
C’était une bague en platine coiffée d’une couronne de diamants, portant en son cœur une perle océane qui captait la lumière.
« C’est un bijou digne d’une reine » lui dit Flora et comme ils étaient seuls dans le salon de thé, la patronne les observant à distance par discrétion, le jeune homme mit un genou à terre et lui demanda si elle acceptait d’être sa reine.
Flora lui donna la main, lui enjoignit de se relever et ils quittèrent ensemble le salon de thé en se jurant d’y revenir pour célébrer leurs fiançailles.
Satisfaite de la réussite de la métamorphose de sa filleule et de l’agréable tournure des événements, Camélia prit un peu de repos afin d’être active si un autre chagrin d’amour survenait dans sa sphère d’activité.
Bercée par les parfums des pivoines de son jardin, elle rêva qu’une envolée de tourterelles la conduisait dans le céleste terroir de l’enfance, ce qui lui parut, au réveil, comme le signe annonciateur de la lignée prochaine de la belle Flora, désormais guérie d’un chagrin d’amour qui lui avait permis de rencontrer celui qui lui était destiné !

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