vendredi 19 juin 2020

Elisabeth aux yeux de source


Elisabeth aux yeux de source
Des sources vagabondes semblaient jaillir des yeux d’Elisabeth et cette caractéristique lui donna une aura virgilienne.
Lorsqu’elle emmenait son troupeau de chèvres dans les alpages, tout le monde admirait son savoir-faire.
Elle était une magnifique chevrière et les amoureux de Marcel Pagnol voyaient en elle la petite fée qui succédait à Paul, le petit frère de Marcel qui n’avait jamais voulu quitter les collines du Garlaban.
Parvenue à l’estive avec son magnifique troupeau de chèvres emmenées par de fiers béliers, Elisabeth s’installa dans la bergerie qui comprenait un four à pain et une cuisine bien équipée car la jeune fille avait l’intention de transformer les fruits de la nature en préparations gourmandes dont elle pourrait consommer une partie et réserver les bocaux stérilisés en plus grand nombre pour la vente.
La traite des chèvres lui offrit son lait du soir et la matière première pour les premiers fromages dont elle se régalerait.
Le lendemain, elle se leva de bonne heure, fit le pain et l’enfourna à l’aube en façonnant par ailleurs de belles brioches qu’elle orna de fruits confits.
Toutes ses journées se passèrent de manière rythmée.
Aidée par les chiens Magnus et Milord, elle fit régner l’ordre dans le troupeau.
Les coquines qui aimaient fuguer étaient vite ramenées triomphalement par ces chiens de berger et les fugueuses comprenaient la leçon et ne récidivaient nullement.
Les jours passèrent paisiblement et les allées et venues de Pascalet, jeune berger resté dans la vallée, apportaient à la jeune fille les échos du village.
Pascalet lui offrait des provisions nécessaires à son confort, de la farine de blé, de seigle, de châtaigne, de l’huile d’olive, de la viande séchée et du matériel destiné à la couture et à la broderie pour agrémenter les après-midi passés dans l’estive en compagnie du troupeau.
Les jeunes gens passèrent des soirées ensemble. Elisabeth réalisait de belles omelettes mousseuses faites avec les œufs apportés par le jeune homme.
Une fiole de vin rosé agrémentait les repas et Pascalet fit honneur à la brioche du matin et au bon fromage de chèvre, joliment moulé en faisselle.
Le lendemain de ces soirées festives, il reprenait le chemin du retour avec un chargement de fromages et de petites brioches individuelles que l’on s’arrachait au village car Elisabeth n’avait pas sa pareille dans cet art culinaire.
Pour lutter contre l’ennui et un endormissement possible, installée à l’ombre d’un peuplier, près d’une source qui rappelait la vivacité de son regard, la jeune fille brodait des pièces ajourées et elle réussit même à reproduire un joli cabri, à l’image de celui qu’elle s’était juré d’adopter au retour de l’estive.
Sur le chemin de table orné du chevreau, elle laissa libre court à son imagination créative, brodant fleurs, rochers et ruisseau.
Outre les visites de Pascalet, elle reçut un jour un poète-peintre qui s’était installé sur l’autre face du Garlaban.
Prénommé Cyril, il lui demanda l’autorisation de lui tenir compagnie avant de rejoindre son abri à la belle étoile qui lui donnait l’impression d’être un nouveau Rimbaud.
Il écrivait un recueil de poèmes et au vu des jolis yeux d’Elisabeth, il décida d’intituler son ouvrage La source de tes yeux.
Il engrangea mille et une émotions auprès de la jeune fille, mangea un délicieux souper fait des produits de l’estive, dormit dans un enclos destiné aux visiteurs et prit congé le lendemain en traitant Elisabeth comme si elle eût été une princesse.
C’était bien la princesse de son cœur et il reprit la plume avec enthousiasme, décrivant sa beauté et l’émoi qu’elle suscitait, imitant ainsi le poète Ronsard qui traçait de sa plume les traits évocateurs de sa reine de beauté, Cassandre, Hélène ou Marie.
Comme il était également un peintre talentueux, il compléta la palette amoureuse de son ode à Elisabeth en dessinant et en peignant la jeune fille avec une telle intensité que le regard peint semblait dominer la vallée.
Lorsque l’heure vint de regagner le hameau avec un troupeau agrémenté des chevreaux nés durant l’estive, Elisabeth quitta son modeste logis avec émotion et ce fut un retour triomphal au village.
Une grande fête était organisée pour ces retrouvailles avec la vie courante si pratique, par ailleurs, pour toutes les étapes usuelles.
Elisabeth retrouva sa maison, dormit dans un lit douillet et au petit matin, elle eut le bonheur de voir les rues ornées de reproductions de tableaux à son effigie.
La bibliothécaire reçut un bel ouvrage intitulé La source de tes yeux et chacun mit un point d’honneur à se rendre en ville pour acheter un exemplaire du livre qui célébrait la beauté de leur Elisabeth.
Nul ne s’étonna lorsque l’on vit arriver le jeune poète.
Cyril de Provence venait demander la main de la belle Elisabeth dont il avait si bien chanté les charmes.
Elisabeth mit sa jolie tête sur l’épaule du jeune artiste et le petit chevreau Blanchet gambada à leurs côtés en signe d’assentiment !   

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