La légende du cyclamen
Dans Citrons Acides, œuvre dont la beauté me bouleversa lors
d’un séjour professionnel à Marrakech, Lawrence Durrel, cet écrivain
britannique amoureux du bassin méditerranéen, décrit sa découverte d’un champ
de cyclamens fraîchement éclos, rappelant à l’auteur que la beauté est jumelle
d’une certaine jalousie, enveloppant le cœur des hommes d’un nuage ourlé de
couleurs paradisiaques.
Une nuit, je fus propulsée dans ce champ de cyclamens et l’une
de ces fleurs magiques prit la forme d’une femme radieuse et éblouissante, à la
robe de taffetas qui crissait au moindre de ses pas.
Nous nous sommes assises sur des rondins de bois et c’est
après avoir pris une collation à base d’agrumes et de pâtisseries en pâte d’amandes,
d’orangeades maison que la femme-fleur se décida à me raconter une légende.
Autrefois, les cyclamens étaient de fraîches jeunes filles
que l’on invitait lors des mariages pour apporter une touche de passion
langoureuse.
Se saisissant de tambourins, elles imprimaient le rythme de
la danse qui suivait les évolutions du festin donné en l’honneur des jeunes
mariés.
Mais voilà qu’un jour, un marié trouva l’une de ces beautés
plus charmante que son épouse.
Il l’invita à danser plus que de raison et en sentant sa taille
se plier et devenir une liane de désir, il perdit la tête et l’entraîna dans
une chambre pour assouvir la passion dévorante qui l’embrasait.
Déçue de ne plus voir son mari à ses côtés, la mariée eut
vent de cette folle équipée.
Elle se dirigea, sans mot dire, dans la suite nuptiale qui
leur était réservée et d’un geste précis et irrémédiable, se trancha les
veines, mourant d’amour trahi et de jalouse langueur.
Revenu à la raison, le mari volage déchira ses beaux habits
de désespoir, en découvrant sa bien-aimée baignant dans son sang.
La femme-fleur qui était la cause bien involontaire de cette
tragédie se rétrécit jusqu’à devenir cette fleur délicate dont nous rêvons
tous, le cyclamen !
Il en fut de même pour toutes ses consœurs et depuis ce
temps, les cyclamens vivent et meurent dans notre cœur, au rythme de nos
passions !
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