Tandis que Florent, chevalier de l’éternel, reposait paisiblement dans son lit après le double retour d’une croisade et d’une expédition punitive auprès des barbaresques, son épouse Mahaut dont personne ne s’expliquait l’absence, chevauchait, enfin libre !
Peu après le départ de son mari pour la croisade, des ménestrels s’étaient présentés pour lui apporter des nouvelles fraîches de son époux.
Les nouvelles, chantées avec art par un troubadour et accompagnées à l’orgue de barbarie avaient enchanté la duchesse qui s’était montrée généreuse envers ces porteurs d’espoir.
La troupe se retira après avoir remercié la châtelaine de ses présents.
Cependant l’un d’eux avait soudoyé une servante, lui promettant monts et merveilles si elle l’accueillait dans sa couche. Léonie eut le tort de mordre à l’hameçon et lorsqu’elle ouvrit la porte à l’amant potentiel après un appel chouan, signe de reconnaissance, elle fut poignardée de belle manière et jetée en pâture aux vautours.
La troupe de malfaiteurs s’empara de la duchesse et après lui avoir fait absorber un somnifère puissant, l’emmena dans une tour froide et peu accueillante, gardée par des dragons.
Mahaut vécut des jours noirs, nourrie de pain et abreuvée d’eau par l’intermédiaire d’une servante muette vêtue d’une tenue sombre et passe-partout.
La pièce où elle menait cette existence misérable n’avait pas de fenêtre et elle vivait dans l’obscurité perdant peu à peu l’usage de la vue.
Au terme d’années pénibles où on la condamnait à une mort lente programmée, Mahaut entrevit un jour le moyen de s’évader.
En dépit de sa demi-cécité, elle remarqua que la servante muette souffrait de tremblements par intermittences.
Elle mit à durcir une miche de pain et lorsque le résultat fut optimal, elle attendit la venue de la servante. Lorsque cette dernière se pencha pour déposer le pichet d’eau fraîche et le pain frais, elle lui asséna un violent coup avec la miche faisant office de pierre, l’assomma, la dévêtit et sortit après avoir mis la tenue de la servante.
Personne ne s’aperçut tout de suite de la supercherie et Mahaut put se diriger vers l’écurie où elle sella un cheval et s’en fut sans être inquiétée.
Lorsque la servante sortit de sa torpeur, elle se précipita pour donner l’alarme mais un gardien, la voyant vêtue de la robe de la prisonnière se méprit et l’abattit d’une flèche en plein cœur.
Le commanditaire du rapt châtia de sa main l’impulsif, fit procéder aux funérailles de la malheureuse servante et lança la poursuite de la fugitive.
Mahaut avait été élevée selon les rites et le code d’honneur de la chevalerie et avait connu, dès l’enfance, un entraînement intensif qui faisait d’elle la digne épouse d’un chevalier.
Elle prit des chemins de traverse, s’arrêta dans des chaumières où on la fêta, lui procurant des vêtements dignes de son rang, lui offrant un repas substantiel et une monture de rechange.
Lorsqu’elle arriva aux portes de son château, Lila eut juste le temps de s’éclipser, laissant son fils Joyau aux bons soins de son père.
Marie envisageait d’agir de la sorte mais Florent la pria de n’en rien faire. Elle se précipita aux cuisines pour préparer un repas de fête destiné au grand retour de la maîtresse de maison.
Vol-au-vent de poularde truffée aux champignons, paupiettes de veau et petits pois à la crème, fromages et îles flottantes à l’angélique constituèrent un menu de choix.
Mahaut se restaura avec plaisir, appréciant l’accueil chaleureux de son époux.
Comme s’il sortait d’un rêve, Florent eut l’impression en voyant la duchesse que toutes les aventures vécues à partir du moment où il avait fait halte sur le chemin du retour, ses passions successives s’étaient évanouies comme un mirage.
Il entoura Mahaut de ses bras caressants et l’incita à le rejoindre dans l’alcôve conjugale où , il n’en doutait pas, un petit duc serait conçu.
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