lundi 21 avril 2025

La vallée des roses oubliées

 

Du haut de son donjon, le prince Louis de Flandre observait les nuages, s’amusant à leur donner une forme comme dans son enfance.

Un nuage ressemblait à s’y méprendre à une énorme rose blanche perdant peu à peu ses pétales. L’un d’eux tomba sur le chemin de ronde. Louis le prit avec précaution découvrant que sa forme floconneuse contenait un message écrit au pinceau sur un feuillet de papier de riz.

«  Toi qui cherches l’amour, va dans la vallée des roses oubliées. Tu en rapporteras une rose d’argent, des boutures de roses bleues et l’oiseau des Nuits de Chine cher à l’ Empereur. A ton retour, l’amour viendra à toi ».

Louis de Flandre fut d’autant plus intrigué par ce message qu’il se désagrégea à la fin de sa lecture.

Le lendemain, il se prépara au départ, forma une escorte sûre, étudia les cartes pour tenter de localiser la vallée mais faute d’indices géographiques précis, il décida de suivre les nuages.

Quand tout fut prêt, la petite troupe se mit en marche, le porte-étendard du prince en première ligne.

Louis de Flandre murmurait parfois des mots de réconfort à son destrier, son fidèle Orphée, ainsi nommé parce qu’il n’avait pas son pareil pour détecter des sons imperceptibles à l’oreille humaine.

De temps à autre, un nuage prenait la forme d’une rose, d’un bouton ou d’une tige et le prince en déduisait qu’il était sur la bonne route.

Ils évitaient les auberges qui pouvaient devenir des coupe-gorges et préféraient faire halte dans les manoirs ou les fermes cossues à l’écart des grands chemins.

Payant généreusement son écot, le prince promettait de récompenser les hôtes généreux à son retour en leur offrant des cadeaux inconnus en Occident.

«  Vous allez donc bien loin, Monseigneur » lui disait-on parfois. Le prince rétorquait que Dieu leur servait de guide. Il n’avait mis personne dans la confidence et gardait pour lui le but réel de son voyage.

Il avait simplement dit à ses proches qu’une prière divine lui était parvenue un soir de recueillement méditatif dans la chapelle de ses ancêtres. Il ne mentait qu’à demi, étant donné qu’il avait longuement prié avant de se décider à prendre la route vers son destin.

Après plusieurs semaines de chevauchée, le paysage se modifia. Plus de manoirs, plus de fermes cossues, une forêt dense à perte de vue.

Ils hésitèrent à s’y engager mais les signes étaient formels : une rose s’épanouissait dans un nuage en forme de chêne.

Ils allèrent donc de l’avant après avoir protégé les sabots des chevaux d’étoffes épaisses pour leur éviter des piqures d’insectes, de reptiles et surtout pour être le plus silencieux possible.

Ils traversèrent la forêt sans encombre et lorsqu’ils en sortirent, ils furent accueillis par une pluie de roses bleues qu’ils s’empressèrent de conserver dans des sacs de lin emportés dans ce but.

Ils furent soulagés d’apercevoir les murailles d’un château à l’horizon.

Louis de Flandre envoya trois émissaires chargés de présents, vaisselle d’or, bijoux et brocart pour demander l’hospitalité.

Dans l’attente de leur retour, le bivouac fut de mise et après un repas de viande séchée, de fruits en bocaux et de bouteilles de vin clairet, chacun s’endormit tandis qu’un veilleur, à tour de rôle, entretenait le feu.

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