Pour arrondir ses fins de mois et participer au financement des études de Gabriel, Quitterie décrocha un travail saisonnier à L’ Orangerie, création inédite incluse dans Les Prés d’Eugénie du célèbre chef étoilé Michel Guérard.
L’intitulé de sa fonction « officier de plonge en vaisselle fine » prêtait à sourire mais lorsqu’elle nouait son tablier, Quitterie se sentait anoblie et elle appréciait la poignée de main et les encouragements quotidiens du chef vieillissant , toujours apte cependant à préparer sa volaille phare, la pintade.
Ce plat mythique et ô combien savoureux avait été retenu par le Président de la République pour figurer à la table fastueuse d’un G7.
Loin du branle-bas des cuisines où retentissaient les « oui chef » et le tintamarre des cuivres, Quitterie s’acquittait de sa tâche consciencieusement, manipulant les pièces de porcelaine et l’argenterie avec soin. Lorsqu’elle ressentait de la fatigue, elle se raccrochait à l’image de Gabriel, magnifique jeune homme au sourire d’ange pour trouver un regain d’énergie.
Gabriel avait opté pour les métiers de la restauration et de ce fait, il avait intégré un lycée professionnel privé de renom pour jeter finalement son dévolu sur le service.
« Vous m’avez élevé avec amour dans un univers gastronomique disait-il à sa mère et à sa marraine. Vos plats étaient et sont toujours d’une rare perfection, il était naturel que je reste ancré dans mon berceau familial pour évoluer dans le monde magique des grandes tables ».
Uniforme, participation aux frais scolaires, matériel performant, mallette de couteaux et appareil à flambage en argent nécessitaient un certain investissement.
L’appareil à flambage n’était pas obligatoire mais le flambage étant l’élément essentiel de l’épreuve pratique de l’examen, Gabriel avait trouvé judicieux de s’entraîner à la maison. Une poêle en cuivre, comme à l’examen, complétait cet appareil prestigieux, numéro un du parfait serveur.
Steaks au poivre flambés à l’Armagnac et Pêches ou Bananes flambées étaient servis à La Jalousie en guise d’exercice, ce que les maîtresses de maison appréciaient.
Gabriel, en grande tenue, assurait à la fois le flambage et le service ce qui créait une ambiance étoilée dans la modeste demeure.
Lorsque la cure thermale touchait à sa fin, Les Prés d’Eugénie, L’Orangerie, La Maison Rose et La ferme aux grives, biens du chef triplement étoilé, guide suprême de la minceur, fermaient leurs portes.
Pour donner une touche festive à l’événement, le personnel de tous les lieux gourmands partait à l’aube en forêt pour ramasser des glands, des châtaignes, cueillir du houx et couper des branches de sapin pour mettre une note de Noël aux derniers repas servis.
Gabriel tint à prendre la place de Quitterie pour lui épargner une fatigue qui n’était plus de son âge.
C’est ainsi qu’il fit remarquer par Michel Guérard, sa collecte forestière étant des plus généreuses.
Le chef prestigieux lui promit un bel avenir, proposant qu’il effectue son prochain stage dans sa maison- phare, Les Prés d’ Eugénie.
Dans cette heureuse perspective, Gabriel revint à La Jalousie, un exemplaire de La Cuisine Gourmande dédicacé par le chef pour les deux femmes de sa vie.
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