Comme j’aurais aimé hésiter entre une jolie cravate en soie, une belle chemise confortable ou un objet fonctionnel pour ton anniversaire, Mimi ! Pas de bijou, tu n’en portais pas, à l’exception de ton alliance où mon prénom était gravé. Hélas ! depuis ton décès si triste et si terrible tant la maladie s’était acharnée sur ton corps robuste, apte à toutes sortes de travaux, je ne peux donner mon avis que pour le choix d’une composition florale destinée à orner ta tombe entretenue avec soin par tes fils.
Je me souviens de la première cravate en soie achetée dans l’enthousiasme par moi : elle était peinte par une artiste du Huelgoat venue à Valenciennes, l’ Athènes du Nord, ma ville d’études, pour participer à un concours artistique. Cette magnifique cravate, j’ai tout de suite pensé qu’elle était pour toi et je l’ai achetée sans hésiter, apprenant, à la fin de la journée, après mon achat, qu’elle avait obtenu le premier prix !
Tu l’as portée pour notre mariage et ensuite, elle fut réservée pour les grandes occasions. J’aimais te voir ainsi paré car tu avais une élégance naturelle, maniant les couverts avec distinction, en milieu recherché.
Je me souviens d’un épisode cocasse ; mon amie Anne-Marie avait épousé un vietnamien et lors d’une réception, à quatre, elle nous avait réservé une surprise : un menu vietnamien où les nouilles étaient à l’honneur, délicieux pour qui savait manier les baguettes. Eh oui, Anne-Marie avait poussé la perfection jusqu’à inclure des baguettes en supprimant les couverts introduits à la cour du roi de France par Catherine de Médicis et toujours en usage dans notre pays. Je te regardais manier les baguettes avec dextérité, me demandant si j’allais parvenir à manger quand le salut vint du mari qui dit soudain à sa femme « Anne-Marie, apporte-moi une cuiller » ! L’honneur était sauf et je réclamai des couverts à l’européenne, à mon tour.
Nous avons bien ri ce soir-là et tu as été félicité pour ta dextérité.
Lorsque tu étais si malade, j’exhumais les souvenirs heureux et quand tu m’as prévenue des avancées de la mort, j’ai réfuté cette perspective, arguant du fait que tu ne pouvais pas partir sans avoir exaucé tes promesses, le retour dans la petite auberge où nous avions échangé des serments notamment. « Nous reviendrons » m’avais-tu dit mais le tourbillon des jours nous en avait empêchés.
Aujourd’hui, je compte les anniversaires où tu n’es pas présent concrètement, sous ton enveloppe corporelle et je sais, à l’évidence, que lorsque j’arriverai, à mon tour, dans les terroirs inconnus où tu existes, tu seras là pour m’accueillir et me dire : « N’aie pas peur, je suis là » !
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