lundi 7 avril 2025

Un sommelier pas comme les autres

 

 


Au terme de ses études en restauration, Gabriel, nanti des diplômes adéquats, choisit la sommellerie, élevée pratiquement au niveau artistique pour celui qui s’y adonnait avec passion.

Sa première apparition dans le restaurant qui lui offrit le poste de sommelier ne passa pas inaperçue.

Sa démarche féline, sa modestie et sa technicité parfaite frappèrent les clients qui avaient souvent affaire à des serviteurs précieux et ostentatoires.

Fidèle aux préceptes du parrain de son école hôtelière, Éric Beaumard, vice-champion  du monde en sommellerie, Gabriel se référait à l’excellence de son art.

Le parcours du grand chef sommelier était hors du commun. Alors qu’il se destinait à la cuisine, il avait été victime d’un accident de la route et perdu l’usage de son bras droit. Contraint de renoncer à la cuisine, il s’était tourné vers la sommellerie et avait tant travaillé que son bras gauche était devenu le prolongement miraculeux de la bouteille à sublimer.

Sacré Meilleur Sommelier de France et d’Europe, il avait manqué la première marche du Meilleur Sommelier du Monde.

Battu par un Allemand dont l’éloquence fleurie avait été l’atout majeur, il était resté dans la mémoire du concours comme un exceptionnel technicien de ce noble art.

Le principe numéro un d’ Éric Beaumard était le suivant : trouver l’accord mets-vin avec le client sans chercher à l’impressionner par sa supériorité.

Gabriel usait de ce conseil sans parcimonie et il devint bientôt la pièce centrale de La Voile d’Or où il évoluait.

Se déplaçant dans la salle en un fondu-enchaîné qui s’harmonisait avec l’environnement professionnel, il avait l’œil à tout, ramassant parfois prestement un objet oublié par un serveur.

Cette faculté avait beaucoup plu au chef Michel Guérard qui voulut s’attacher ses services. Gabriel avait décliné cette offre dans la mesure où un travail saisonnier l’empêcherait de rembourser les sommes dépensées par sa mère et sa marraine pour ses études.

Il travailla ainsi pendant quinze ans puis un jour, sans que personne y compris lui-même ne comprenne sa désaffection, il rangea son tablier de travail, son nœud papillon et son limonadier dans le coffre aux souvenirs.

Il se retira à La Jalousie, s’adonna aux travaux de jardinage et chercha un emploi qui lui permettrait de connaître une vie équilibrée.

Il se tourna vers l’informatique, maîtrisa rapidement les arcanes du métier qui lui permit de gagner sa vie en gérant une auto-entreprise où il donnait une initiation aux débutants contre rémunération, étoffant son art en recherches diverses qui le rendirent bientôt indispensable et familier.

Cette reconversion réussie lui permit d’améliorer le train de vie de La Jalousie où chacun vécut en s’épanouissant, goûtant les délices divers de la douce Aquitaine dont il faudrait plus d’une existence pour les dénombrer.

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