vendredi 6 juin 2025

Passion picturale

 

 



Pénétré par la lumière du jour, le portrait de Coralie resplendissait de blondeur et de mystère.

Gabriel mangea l’excellent petit déjeuner préparé par son hôtesse dans une sorte d’ivresse. Avec la volonté de se montrer reconnaissant envers une si charmante inspiratrice, il soigna ses propos et remarqua tout à coup que le jeune fille portait ce matin là la parure de corail laissée dans son berceau. Ces bijoux lui allaient à ravir et il la complimenta spontanément.

Une strophe du poème Les Bijoux de Charles Baudelaire lui vint à l’esprit :

«  La très chère était nue, et, connaissant mon cœur

Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores

Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur

Qu’ont dans les jours heureux les esclaves des Maures ».

Il chassa vite ce beau souvenir car il trouvait indécent d’imaginer la nudité troublante de Coralie.

Pour faire diversion, il demanda à son hôtesse de le laisser examiner cette parure, unique témoin d’un passé mystérieux.

Il en fit plusieurs croquis, précis et détaillés, se promettant d’en tirer profit pour sa prochaine création.

Il baisa délicatement la main de Coralie et prit congé, pressé d’esquisser  sur une toile de lin la silhouette de la jeune fille parée de ses bijoux.

Il peignit avec ferveur et lorsqu’il prit du recul pour avoir un aperçu global de son œuvre, il découvrit une jeune femme mi-nue, drapée dans un voile brodé de roses, ses bijoux de corail jetant une note vive sur un fond fleuri à la façon des tapisseries médiévales.

Il décora la scène d’exposition de petits animaux, écureuils, lapins, oiseaux et dota la figure principale d’un regard envoûtant et céleste.

Satisfait de ces embellissements allégoriques, il but un pichet de lait et mangea des tranches de pain beurrées et nappées de confiture.

Il s’allongea sur un sofa et s’endormit près de son tableau. La nuit, il rêva qu’elle s’échappait de la toile et s’endormait à ses côtés. Il respirait le parfum de ses cheveux avec ivresse . Il enlaça sa belle promise et crut vivre une véritable nuit de noces.

Le lendemain, tout était à sa place ; le portrait mauresque inondait sa pièce d’une chaude lumière empreinte de tendresse !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire