Les jours suivants, Gabriel demeura chez lui, passant des heures à contempler le portrait inspiré par Coralie qu’il avait peint dans une sorte d’ivresse, guettant le moment où elle consentirait à quitter le cadre pour lui offrir son amour.
Il se nourrissait frugalement de pain, de brioche et d’eau.
Heureusement Coralie, son modèle, lui permit de quitter un instant le monde irréel qu’il s’était forgé.
Elle entra, panier au bras, ouvrit les fenêtres, jeta un coup d’œil au tableau mais jugea bon d’éviter le sujet.
Elle déposa sur la table de la cuisine des trésors alimentaires, œufs, légumes de son potager, poulet rôti qu’elle accommoderait avec maîtrise. Les pâtisseries n’étaient pas oubliées et pour la première fois depuis longtemps, Gabriel eut envie de savourer un véritable repas.
Afin de justifier sa venue, Coralie avait confectionné un habit complet comme elle s’y était engagée pour paiement du tableau qui ornait sa demeure.
Elle pria le jeune homme de le revêtir, ce qu’il fit de bonne grâce, ce costume étant une véritable merveille.
Coralie s’activa dans la cuisine pour célébrer les faits du jour, tableau et costume et elle concocta un dîner à thème, en l’occurrence celui des contes de fées.
Un velouté à la citrouille servi dans sa coque évidée en guise de soupière ouvrait le bal. Volaille rôtie, potimarron et patates douces poursuivirent le rêve incursif dans le royaume de Cendrillon à bord de son carrosse redevenant citrouille après minuit.
Le cake d’amour de Peau d’Ane servi avec une gelée de groseilles de sa composition fermait le bal.
Les jeunes gens firent honneur à ces plats d’exception et évoquèrent l’univers féerique qui s’y apparentait.
Pour la première fois, l’obsession du tableau s’estompa dans l’esprit de Gabriel mais ce fut un bref répit.
Le repas achevé, le portrait vint le hanter et il quitta vivement la table pour contempler son œuvre.
Après avoir libéré la salle à manger, Coralie nettoya les couverts et les ustensiles ayant servi aux agapes du soir.
Lorsqu’elle revint dans la pièce principale, elle chercha en vain son ami peintre : il avait mystérieusement disparu !
Elle regarda enfin le tableau et tout à coup le mystère s’empara d’elle ; elle découvrit, au bas de la toile, assis sur une souche de chêne, son ami, en costume, celui qu’elle avait taillé, cousu et brodé pour lui.
Comme Alice, il était passé de l’autre côté du miroir et vivait désormais auprès de sa représentation en costume de roses pour l’éternité.
Mélancolique, Coralie ferma la porte de la maison du peintre et retourna chez elle afin de panser les blessures de son cœur mis à vif.
Elle regarda son portrait, lui sourit et décida d’oublier cette folle aventure pour n’en garder que la quintessence des moments heureux vécus un jour, dans la colline de roses qu’elle aimait tant !
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