L’aide de Louison s’avéra précieuse auprès de Valentin. Elle imitait admirablement les chants d’oiseaux ; croyant avoir affaire à un congénère, des huppes fasciées, des rossignols ou des alouettes et des merles accouraient à son chant, ce qui permettait à Valentin de compléter ses fiches d’observation.
De plus, elle préparait des plats de moules qu’elle collectait selon une technique apprise dans son pays d’origine. Valentin se régalait de ces mollusques à l’enveloppe dorée et il observait les gestes de Louison lors de l’élaboration de ses plats, comptant bien l’imiter quand elle partirait.
L’éventualité de son départ lui fendait le cœur. Il avait l’impression de vivre un rêve éveillé et croyait marcher sur des nuages.
Le jour des explications finit par arriver. Après la dégustation d’une cassolette de fruits de mer et de coquillages épicés de safran que Louison récoltait dans l’île, la jeune fille prit la parole :
« J’ai reçu l’ordre de vous quitter, mon doux ami. On m’a signifié qu’il était temps, pour moi, de reprendre ma place dans les pages du livre que vous devez soumettre à l’éditeur Libreconte, spécialiste en féerie. Je dois avouer que je n’ai nulle envie de me retrouver prisonnière d’un recueil de contes aussi intéressants qu’ils puissent être. C’est pourquoi j’ai l’intention d’échapper à mon destin.
J’ai remarqué une anfractuosité dans votre île, sans doute la porte d’entrée des couloirs du temps. Je vais m’y engouffrer et tâcher de rejoindre le royaume de Brocéliande où repose l’enchanteur Merlin.
Je le supplierai de me libérer du carcan livresque qui m’emprisonne et je reviendrai vers vous, si vous le souhaitez, pour continuer cette vie tonifiante avec les embruns.
Voulez-vous que je vous accompagne dans ces couloirs qui peuvent s’avérer dangereux rétorqua Valentin, secrètement flatté par les désirs exprimés par la jeune femme ?
Je dois être la seule à affronter mon destin si j’envisage d’attendrir Merlin. Me voir accompagnée l’irriterait sans nul doute ; il aurait l’impression que l’on veut lui forcer la main. Nous connaissons son orgueil et sa susceptibilité ».
Cet argument pesa dans la balance des doutes et Valentin promit à Louison de l’attendre dans son île :
« Vos trilles vont nous manquer, les oiseaux et moi, mais je vais m’entraîner à imiter vos sifflements ; je continuerai à récolter les moules et le safran. Si Nino vient me voir, je lui préparerai l’un de vos fameux plats.
Par ailleurs, pour combler le manque de votre histoire dans le livre Contes du Renouveau, il me faudra écrire un conte à la mode de Cassandre. Si j’y parviens, Merlin approuvera votre désir de liberté et vous renverra près de moi, ce qui est mon vœu le plus cher ».
Les deux amants firent le serment de ne jamais oublier l’autre moitié de leur âme et au petit matin, Louison emprunta les couloirs du temps afin de revenir définitivement auprès de celui qu’elle aimait.

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