Après le départ d’Erwan et un temps de repos nécessaire à la remise en marche de son horloge interne, Fleur de lune reprit ses activités.
Elle explorait méthodiquement le bord de mer, ne laissant filer aucune source exploitable sur un plan gastronomique ou artistique.
Un jour, alors qu’elle traquait impitoyablement un crabe dissimulé sous une roche, un oiseau aux reflets dorés, un faucon, se posa sur sa main.
Le crabe eut la vie sauve car Fleur de lune se releva, le faucon d’or au poing, pour regagner sa demeure.
Le faucon trouva sa place sur un pouf en cuir fauve, cadeau du prince Abdallah.
Ce choix fit sourire Fleur de lune avec un brin de mélancolie car elle n’avait aucune nouvelle du prince, disparu mystérieusement lors d’une chasse au faucon. Melchior n’avait pas donné signe de vie, ce qui ne lui ressemblait pas. Le faucon prit alors la parole :
« Ne t’inquiète pas ; le prince n’est pas à une ruse près pour briser la monotonie des jours. En ce moment, il est peut-être en train de voguer sur les mers pour te rendre visite ».
Sur ces mots, le faucon se volatilisa, laissant une pépite d’or sur le pouf.
C’est un curieux sortilège pensa Fleur de lune puis elle prépara une cotriade avec les poissons du jour achetés à un pêcheur et les coquillages ramassés sur la grève. Elle fit également une tombée d’oignons rosés de Roscoff, prête à parfumer une omelette pour le cas où un visiteur se présenterait.
Ce travail achevé, elle dessina de mémoire le faucon d’or, le croquant sous divers profils. L’effet était si saisissant qu’elle voulut fixer ce souvenir fantastique sur une toile.
Le lendemain, elle aperçut au loin la voile d’un navire s’apparentant à une felouque. Un faucon se détachait sur le lin de la voile blanche, noir avec des flammes rouges.
Elle put enfin distinguer la silhouette du prince Abdallah portant fièrement un burnous de prix qui le protégeait des embruns.
Lorsqu’il mit pied à terre, il étreignit Fleur de lune sans plus de façon :
« Comme je suis heureux de vous revoir, ma mie. Je n’ai pas cessé de penser à vous. J’ai simulé mon propre enlèvement pour échapper à un mariage que mes conseillers avaient organisé. Je me suis rendu compte que je n’éprouvais aucune inclination pour l’épouse que l’on me destinait malgré ses nombreuses qualités, ses titres de noblesse et sa grande beauté. Votre gentil visage s’imposait à moi et je croyais vous voir dans chaque nuage ourlé de rose passant dans le ciel. Me voici donc et je serai enchanté de goûter l’un de vos plats. Mes serviteurs déballeront tout à l’heure les cadeaux que je vous réserve ».
Fleur de lune se réjouit d’avoir eu l’idée de préparer un repas de sorte qu’ils purent se régaler des produits de la mer et de la Bretagne réunis.
Une pyramide de dattes et de gâteaux au miel venus du navire conclurent ce repas de fort belle manière.
Danseuses et musiciens appartenant à la suite du prince offrirent un spectacle auquel Fleur de lune prit un plaisir immense.
Lorsque la fête fut terminée, le prince présenta un coffret empli de bijoux somptueux qu’il remit à sa dame d’amour, ajoutant la touche finale, une bague en or ciselé portant ses initiales et sa couronne princière.
Fleur de lune s’éclipsa et revint peu après pour donner à son prince l’anneau de jade qu’elle destinait à son époux.
Un nuage les enveloppa et ils s’endormirent en rêvant qu’un faucon d’or veillait sur eux.
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