lundi 21 juillet 2025

Le récital d'Alan

 

 


Sensible au désastreux rappel incendiaire infligé à cette terre de légende, Brocéliande, Alan demanda au crieur public d’annoncer un récital celtique au pied de l’ Arbre d’Or. Soizic fit dire qu’elle n’y serait pour personne à la boutique car elle tenait à ce qu’Alan porte la chemise brodée promise pour ce cérémonial.

L’ouvrage était si beau que le barde eut de la peine à exprimer son admiration face à cette œuvre d’art.

«  Les mauvais génies qui hantent la forêt, assujettis à la fée Morgane, s’évanouiront au vu de cette chemise » parvint-il à dire.

Soizic fut ravie de voir son modeste présent magnifié par la remarque d’un artiste qu’elle admirait profondément. Il est vrai qu’Alan portait à merveille cette belle tunique symbolisant la Bretagne profonde de manière allégorique et poétique.

Arbre d’Or, cerf blanc, fée Viviane et Lancelot du Lac brodés et stylisés conféraient à ce vêtement une aura quasi liturgique.

Un pantalon de velours rouge mettait en valeur cette chasuble druidique. La lune nimba la belle chevelure bouclée du barde d’un rayon lumineux et lorsqu’il chanta, le public retint son souffle pour prolonger l’envoûtement.

Soizic s’était mise en retrait mais sa coiffe brodée de libellules et de petites fées palpitait au vent comme un papillon pressé de s’envoler.

Elle crut voir voler son âme vers la cime d’un chêne et elle émit le souhait que la forêt fût définitivement protégée.

La fin du récital fut grandiose car on crut entendre le bruit d’une cavalerie venue à la rescousse d’une terre de légende menacée dans son intégrité. Des colombes volèrent, déposant des roses d’or au pied de l’arbre symbole de la fragilité et de l’immortalité d’un royaume ancien.

De retour à sa demeure, Soizic prépara des boissons chaudes, congratula Alan pour la belle moisson monétaire offerte par un public conquis.

«  En vérité, ce mérite vous revient car je me suis senti porter par les ailes de la féerie propre à la forêt en portant cette chemise symbole de son immortalité. Si je l’osais, je vous demanderais en mariage ».

Soizic chancela de bonheur à ces mots et elle répondit qu’elle était sans doute indigne d’un tel honneur. «  De plus ajouta-t-elle, vous perdriez peut-être votre âme de poète en restant auprès de moi ».

Alan protesta vivement et argumenta en disant que cette vie d’errance ne pouvait pas perdurer.

« Je trouverai un travail près de vous. J’ai d’ailleurs une idée : lancer la navette sur le métier à tisser n’est pas pour me déplaire. Vous serez délivrée de cette tâche qui demande des efforts répétés. Je tisserai des pièces de lin pour en faire du linge de table et des chemises qu’il vous appartiendra de broder. Je chanterai lors des fêtes pour obtenir un complément financier et rester fidèle à ma vocation de barde ».

Au comble de la félicité, Soizic se livra tout entière à la douceur d’aimer.

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