Une nuit, Fleur de lune fut réveillée par un énorme fracas. Après avoir constaté qu’il n’y avait ni orage ni tempête, elle finit par se rendormir, se promettant d’explorer les environs au petit matin.
Le lendemain, elle courut vers le bord de mer. Les vagues charriaient des pièces de bois provenant vraisemblablement d’un navire échoué.
Fleur de lune longea la grève à la recherche d’un élément indiquant la provenance du navire naufragé, voire une présence humaine.
Elle trouva une caisse cloutée. Melchior arriva à point nommé pour l’aider à transporter ce don des flots.
Le contenu était intact. C’étaient des tresses d’oignons rosés estampillés Roscoff. Une notice destinée aux acheteurs précisait que le port breton s’était spécialisé dans la culture de ce bulbe rapporté du Portugal par un moine. Cet oignon délicieux, base de nombreux plats populaires, soupes, accompagnement de poissons et de viandes cuits au four, avait si bien proliféré que des habitants sans terre avaient pris la mer pour vendre ces trésors en Grande Bretagne. Les Anglais attendaient la venue de ces téméraires vendeurs avec impatience car ces oignons leur permettaient de subsister à peu de frais et avec gourmandise au vu de la qualité de ces aliments capables de se conserver plusieurs mois.
Les Johnnies, ainsi appelait-on ces vendeurs outre-manche, étaient fort bien reçus. On leur offrait parfois le café ou un repas frugal qui permettait aux généreux bretons de reprendre la route sur leur bicyclette chargée d’oignons tressés. Ils allaient jusqu’en Ecosse car ils avaient pour consigne de ne revenir à bord de leur embarcation qu’une fois toute la marchandise écoulée.
Melchior et Fleur de lune découvrirent ces détails grâce au journal de bord de l’un de ces Johnnies prénommé Erwan.
« Souhaitons qu’il ne soit pas mort » dit Melchior de sa voix métallique si singulière et il ajouta qu’il était porteur de mauvaises nouvelles concernant le prince Abdallah : il avait disparu lors d’une chasse au faucon. Seul, son faucon était revenu.
Consternée par cette déclaration Fleur de lune exprima son chagrin avec tant d’émotion et de larmes que Melchior s’empressa de la consoler :
« Vous pleurez avant même d’avoir épluché les oignons » plaisanta-t-il pour adoucir sa peine et il ajouta qu’il avait confiance dans les capacités défensives du prince : « Il se sortira de ce mauvais pas » assura-t-il.
Fleur de lune prépara une soupe à l’oignon qui s’avéra être un véritable délice. Elle en mangea, stérilisant le contenu d’une énorme marmite pour faire face aux journées d’intempéries.
Melchior lui fit ses adieux et promit de lui envoyer des nouvelles du prince Abdallah.
Il se jurait de partir à sa recherche s’il n’était pas revenu au palais, utilisant le faucon comme révélateur de la piste suivie.
Sur ces promesses, il disparut, tel un éclair d’acier dans le ciel redevenu bleu.
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