Dans une île célèbre pour ses fleurs, la plus belle était la
reine Dahlia à la taille flexible comme le roseau et au sourire bouton de rose.
Elle aimait se promener dans son royaume, cherchant à
améliorer le tissu floral qui lui valait une renommée insulaire parfaite.
Un jour, un voilier blanc apparut à l’horizon.
Dahlia dépêcha une délégation pour accueillir des hôtes et
fit dérouler sur le sable un tapis de velours grenat parsemé de pétales de
roses nacrés.
Le prince Nadir qui était à bord accosta en barque avec une
petite escorte munie de présents destinés à la reine, bijoux d’ivoire sculptés
à partir de défenses récoltées au cimetière des éléphants, objets précieux,
vases de porcelaine et sculpture en marbre.
Le prince présenta lui-même des boutures de rosiers dont chacun
était le résultat d’un croisement audacieux.
Dahlia le remercia avec effusion et elle invita ces hôtes
venus de loin à se reposer avant de participer à un repas de bienvenue qu’elle
partit organiser en cuisine.
Le prince Nadir et ses notables approuvèrent une halte en
terre ferme.
Ils avaient dû essuyer une tempête : le voilier semblait
être le jouet des vagues en folie.
Après avoir pris un bain parfumé et s’être changés, ils
furent heureux de voir un page qui les priait de se rendre à la salle à manger
du palais.
La reine Dahlia avait sorti les plus belles pièces de son service
de table, l’argenterie et ses verres en cristal de Bohême. Des serviettes
brodées serviraient à effacer la moindre trace de sauce après un repas relevé.
Le festin commença par une timbale d’écrevisses et des
croissants feuilletés aux champignons des bois.
Vinrent ensuite une selle d’agneau aux haricots sauce tomate
puis une truite de rivière aux amandes et au riz sauvage.
Le dessert était une composition du chef, une pyramide de
choux caramélisés garnis de crème à la rose.
Un gâteau en forme de dahlia, hommage rendu à leur reine, fut
le point d’orgue délicat du repas.
Jongleurs et troubadours détendirent l’atmosphère en
rivalisant de prouesses.
Pour ne pas être de reste, le prince Nadir se fit présenter
son luth personnel et il interpréta une ballade galante d’une voix de velours
qui émut la reine jusqu’au tréfonds de son âme.
Pour ne pas être l’unique spectatrice d’un tel talent, Dahlia
déclama une ode qu’elle avait composée à la gloire de son île parfumée.
D’un commun accord, le prince et la reine se promenèrent dans
le jardin d’amour décoré par une fontaine, une volière d’oiseaux exotiques et
un pavillon destiné à la rêverie.
Ils s’installèrent dans le pavillon et burent des cocktails
aux fruits et aux roses.
Une farandole de petits gâteaux faisait partie du service
mais ils y touchèrent à peine car le repas avait été suffisamment copieux pour
qu’ils se sentent rassasiés ;
Le prince et la reine demeurèrent longtemps silencieux puis
ils se décidèrent à regagner le palais, heureux de ce premier contact plein de
charme.
Le lendemain et les jours suivants, le prince Nadir fit une
cour subtile à la reine, ayant à cœur de ne pas la troubler outre mesure et de
lui laisser le libre cours de l’initiative.
Au bout de trois semaines, le prince prit congé de la reine,
lui promettant de revenir ou de l’inviter en son château s’il donnait un grand
bal.
La reine Dahlia le remercia, stipulant néanmoins que la
rencontre de têtes couronnées ne lui ôterait pas le désir de demeurer parmi les
fleurs.
Après le départ du prince, Dahlia améliora considérablement
la qualité de ses jardins, dessinant et concevant des rosaces qui s’inscrivaient
dans des carrés lumineux de lys, de glaïeuls et d’iris.
Occupée à étoffer les abords de son jardin d’amour, Dahlia ne
vit pas s’écouler le sablier du temps.
Un jour, un courrier lui parvint par l’intermédiaire d’un
oiseau des mers : il déposa un billet sur le rebord de sa fenêtre et s’en
fut, à tire d’aile, sans attendre de réponse.
Le billet était une fleur. Sur chaque pétale un mot était
peint au pinceau et l’ensemble se lisait ainsi :
« Bal du Renouveau, île des amours Nadir ».
Dahlia comprit qu’elle devait se rendre sans délai dans l’île
où vivait son promis.
Elle prit la mer à bord de son voilier dont la coque rose
tranchait sur le vert profond de l’océan.
Au bout de quelques semaines de navigation, elle parvint aux
abords de l’île des amours.
Le prince Nadir en personne vint la chercher dans une barque
profonde pouvant contenir plusieurs personnes.
Dahlia et ses suivantes descendirent sous la protection de
quatre chevaliers prêts à donner leur vie pour la reine.
L’île des amours portait bien son nom car son rivage était
habité par des sirènes et des génies marins.
Ces divinités avaient créé sur le littoral des grottes
sculptées où elles aimaient se reposer et vivre des amours ardentes.
Le prince Nadir prit la reine Dahlia par la main et la
conduisit en son palais de marbre rose émaillé de turquoises « la couleur
de vos yeux, mon aimée » dit-il en un souffle passionné.
L’installation de Dahlia, de ses suivantes et de sa garde
personnelle se firent rapidement et chacun se prépara à connaître des jours
heureux.