vendredi 2 août 2024

Noces dignes de Beaumarchais

 


Heureux d’apprendre qu’une idylle s’était nouée entre le chef cuisinier du château Roland du Breuil et la jolie Gloria aux mille ressources, le prince Abdallah songea qu’une union en bonne et due forme serait de mise.

Il fit savoir au chef qu’un mariage serait le bienvenu et qu’il était prêt à organiser des noces dignes de celles de Figaro.

Le chef ne voulait pas précipiter les choses et après avoir remercié le prince pour sa généreuse proposition, il argumenta en disant que Gloria avait subi une terrible épreuve.

«  Son enlèvement a certainement ébranlé son mental et je m’en voudrais de profiter de la situation. Je dois savoir si elle m’aime réellement » précisa-t-il.

Le prince ne put que se féliciter de la sagesse de ces propos.

Sur ces entrefaites, le branle-bas aux cuisines fut de mise. Des voyageurs de renom se présentèrent au château, demandant l’hospitalité.

Ils avaient entrepris un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle et souhaitaient faire une pause conséquente car le chemin restant était long, sinueux et semés d’embûches, des bandits sévissant sur ces routes avec dextérité et cruauté.

Le prince demanda à ses cuisiniers de se surpasser et d’élaborer des repas savoureux, légers et parfumés.

Des provisions de bouche seraient également à l’étude. De cette manière, munis de provisions, les pèlerins n’auraient pas besoin de se restaurer dans les auberges qui servaient parfois de coupe-gorge.

Roland et Gloria redoublèrent d’inventivité et les plats se succédèrent avec un tel succès que les hôtes voulurent remercier les artistes qui œuvraient à la cuisine.

Dignes représentants de leurs brigades, Roland et Gloria se présentèrent, portant la toque à l’effigie du château.

L’un des seigneurs pèlerins, frappé par la grande beauté de Gloria, se sentit envahir par les flammes du désir.

Il demanda en aparté au prince si cette déesse était libre. Il était prêt à l’épouser et à renoncer à son pèlerinage tant son cœur était enflammé.

Abdallah proposa de ménager une entrevue entre ce seigneur du Hainaut Eudes le Valeureux et la jeune Gloria.

Il prévint le seigneur de la fragilité de la jeune fille, rapportant en quelques mots la mésaventure due au Sieur Malvin.

Eudes le Valeureux s’en émut et il jura au prince de traiter Gloria selon les coutumes ancestrales de son duché.

«  Elle sera honorée de toutes les manières. Duchesse du Hainaut, elle recevra les témoignages de fidélité de mes vassaux et des résidents du château » assura-t-il.

L’entrevue eut lieu mais le duc en sortit désappointé.

Elle m’a dit que son cœur était pris confia-t-il au prince. Elle semblait sincère et elle m’a remercié pour l’avoir jugée digne d’un tel honneur.

Le prince fit venir Gloria dans son antichambre et voulut connaître les raisons d’un tel refus.

« Pardonnez-moi, Monseigneur, j’aime Roland du Breuil avec tant de force que je ne pourrais pas appartenir à un autre homme, fût-il duc ».

Secrètement ravi de la réponse franche de Gloria, le prince assura le duc que l’inclination de la personne convoitée était réelle et sincère.

Eudes le Valeureux poursuivit donc sa route vers Saint-Jacques-de-Compostelle mais il tint à revoir une dernière fois celle qui aurait pu être sienne.

« Sachez, divine Gloria, que j’emporterai le souvenir de votre joli visage ».

Il lui offrit une bague portant le sceau de son duché et la pria de la garder en souvenir de sa demande sincère d’épousailles.

« Si vous rencontrez la moindre difficulté, faites moi parvenir cette bague et j’accourrai, foi de gentilhomme ».

Sur ces mots, il tourna les talons pour que Gloria ne voie pas que ses yeux s’étaient embués de larmes.

Après le départ des pèlerins, il y eut, au château, un temps d’accalmie salutaire.

Mis au courant de l’extraordinaire renoncement de Gloria pour une situation qui l’aurait élevée au rang de duchesse, Roland du Breuil mit à profit l’élaboration d’une pâtisserie quasi royale pour présenter sa déclaration d’amour et sa demande en mariage.

La future épousée fondit en larmes et tomba dans ses bras.

Comme il l’avait promis, le prince organisa de somptueuses noces.

Lorsque la mariée apparut dans une féerique robe de soie et de dentelle, Roland du Breuil sentit bondir son cœur et il se jura de toujours chérir cette épouse digne d’un roi.

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