vendredi 9 août 2024

Blandine, la duchesse aux yeux irisés

 




Est-ce une fille ou une femme se disait-on en voyant Blandine dont la beauté régnait sur le Hainaut à la manière de l’écharpe de la déesse Iris, de la couleur de ses yeux.

Blandine dont l’éducation avait été complète, arts, sciences, danse et musique, éprouvait le même amour que sa mère pour les richesses de la nature, notamment les fleurs.

Elle s’était spécialisée dans la création de parfums dont on se disputait les fioles.

Un jour, alors qu’elle recherchait une variété rare d’orchidée, elle vit apparaître un vieil homme à la longue barbe blanche.

«  Gloria, ma beauté, tu es revenue dans ce monde ! Eurydice échappée des enfers, tu es là pour que je te chérisse et te vénère comme par le passé » ! dit l’étrange apparition.

«  Noble étranger, vous vous méprenez : je suis Blandine, duchesse du Hainaut et ne puis en aucune manière être la personne dont je salue respectueusement la mémoire » répondit Blandine.

La douleur du vieil homme était telle que Blandine renonça à sa recherche de l’orchidée. Elle prit le bras de l’étranger avec délicatesse et l’emmena au château pour qu’on lui propose des rafraîchissements.

Eudes, son père adoptif, ouvrit grands les bras au nouveau venu.

« Roland du Breuil, je vous ai reconnu en dépit de votre barbe blanche. Ainsi donc vous êtes de retour et voulez connaître votre fille Blandine aux yeux d’iris, la perle de ce duché » !

Roland se confondit en excuses auprès de la jeune fille, avouant qu’il l’avait prise pour sa mère.

« Rien d’étonnant, répondit Eudes, elle lui ressemble terriblement et elle possède un don comparable au sien, celui de transformer les fleurs en parfums qui enivrent ma cour et passe les frontières de mon duché » !

«  Père, dit modestement Blandine, je suis heureuse de vous connaître car on m’a conté les péripéties de vos épousailles avec la sublime Gloria, ma mère. Pour honorer votre retour, je composerai un parfum subtil que je nommerai Brise d’Amour ».

Une collation fut servie puis l’ordonnance d’Eudes le Valeureux le conduisit dans ses appartements où on l’installa confortablement.

Songeuse, Blandine se retira dans son laboratoire et réfléchit à la composition de ce parfum inédit qui scellerai le retour d’un père aimant revenu des enfers de la folie.

Ses recherches la conduisirent à l’exploitation du potentiel d’une fleur, l’ancolie dont les poètes vantaient le pouvoir modérateur des troubles de l’âme.

Elle pensa contrebalancer la puissance mélancolique de cette fleur par l’adjonction d’iris dont on se plaisait à dire qu’il était inscrit dans son regard, de jacinthes au parfum puissant et de fleurs de jasmin pour rendre hommage à l’orient qui avait guéri partiellement son père.

Elle travailla sans relâche et pour réaliser le parfum hors norme qui porterait le nom évocateur de Brise d’Amour, elle chercha une rose réputée pour la quintessence de ses effluves, la rose de Damas.

On envoya des émissaires en Orient et ils revinrent promptement chargés de rosiers et de fioles de nectar parfumé utilisable sur le champ.

Lorsque Brise d’Amour vit le jour, Roland du Breuil versa des larmes de bonheur et l’on crut voir voler dans la salle d’apparat du château la silhouette royale de Gloria.

Un vent de fleurs salua la réincarnation de Gloria dans l’âme de sa fille, Blandine aux yeux irisés.

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