jeudi 1 août 2024

Retour contrasté




Le prince Abdallah connut un bonheur parfait lors du menu de fête qui lui fut servi en son château.

«  Gloria s’est surpassée » dit-il en goûtant la sauce Grand Veneur qui accompagnait un rôti de chevreuil.

Cependant lorsqu’il apprit l’enlèvement de la jeune fille puis sa délivrance due à la ruse de Roland du Breuil et une exécution coordonnée des membres du personnel, il fomenta un acte vengeur à l’encontre de ce Malvin ténébreux.

« Ce forfait ne restera pas impuni » dit-il sobrement avant de se retirer dans ses appartements.

Le lendemain, il ordonna des reconnaissances autour de la forteresse, établit un plan d’action.

Loin de se cacher et d’utiliser un subterfuge pour approcher le terrible Malvin, le prince choisit de se montrer avec tout l’apparat dont il pouvait être coutumier.

Bannières au vent, timbaliers en action, joueurs de fifre, de luth et de cymbales, acrobates équestres marquèrent la magnificence de ce prince qui aborda la forteresse de manière impressionnante.

Sonnant de l’olifant dérobé à Olivier par un ancêtre lors de la bataille de Roncevaux, le porte-parole d’Abdallah demanda au seigneur Malvin la grâce d’être reçu. Pour appuyer sa demande, des danseurs et des pages mirent en avant des cadeaux venus d’ Orient, des ballots de soie, des barils de viande séchée, des cassettes de bijoux et des coffres emplis de pièces d’or.

Malvin était cupide c’est pourquoi il accepta de recevoir le prince, exigeant qu’il ne soit accompagné que de trois personnes de sa suite.

Abdallah souscrit à sa demande et il fit son entrée dans la forteresse avec Soliman, redoutable à la lutte, Saladin, célèbre pour sa pratique de l’illusion et Youssef dont la danse guerrière était du grand art.

Ils furent priés de déposer leurs armes à l’entrée.

Un colosse, sans doute celui qui avait enlevé Gloria, conduisit les hôtes dans une salle où brûlait un grand feu.

Le seigneur Malvin, vêtu de noir, avait le visage zébré par une balafre qui le rendait repoussant.

Sa voix était celle d’une crécelle et ses paroles étaient démunies de sensibilité.

«  Prenez place à ma table. On vous y servira une suite de plats qui sont à ma convenance. Puissiez-vous apprécier ce repas » !

Soupe d’oseille et œuf poché, filets de truite marinés dans une préparation à base d’huile, de plantes aromatiques et de citron, cochon de lait cuit à la broche, servi avec des haricots fondants, recette de Gloria qu’on lui avait extorquée,  gâteau de crêpes et farandole de macarons furent appréciés par les convives.

Pour remercier leur hôte d’un repas si parfait, le prince proposa que l’un de ses compagnons, Youssef en l’occurrence, exécute une danse dont il était le créateur.

Youssef se retira dans une pièce, sous la surveillance du colosse, pour se préparer à la danse des épées, le clou de son spectacle.

Autorisé pour la circonstance à manier des épées, Youssef enduisit son corps nu d’huile parfumée, jeta de la poudre d’or sur sa peau mordorée et fit une entrée spectaculaire.

Un cache-sexe préservant sa virilité, il bondit sur la scène proposée par le seigneur des lieux et au son de la Danse du Sabre interprétée par le prince Abdallah à la flûte de Pan, il mania les épées avec tant de prouesse que Malvin réclama un bis avec enthousiasme.

Le prince redoubla d’intensité à la flûte de Pan et au cours de la danse, Saladin, le maître de l’illusion, lança un gel paralysant sur Malvin et ses sbires.

Bondissant sur ses armes laissées dans l’entrée, le prince trancha la gorge du seigneur félon, transperça le colosse d’un sabre vengeur puis la petite troupe quitta le château, heureux d’avoir mis un terme aux agissements nuisibles d’un seigneur à l’âme noire.

Reprenant les cadeaux offerts à l’ennemi, les chevaliers prirent la route du retour, brûlant de conter par le menu le récit de leurs exploits.

«  Belle Gloria, votre honneur est vengé » dit le prince en baisant la main de la jolie jeune femme et il lui fit cadeau des présents qui lui avaient servi de sésame pour entrer dans la forteresse du sinistre Malvin.

«  Dans mon pays, précisa-t-il, on offre la tête du félon mais je n’en ferai rien car j’imagine que ce cadeau vous effraierait ».

Gloria le remercia avec effusion pour le don de présents aussi fabuleux et elle s’en fut aux cuisines afin d’en proposer la moitié à Roland du Breuil.

Ce dernier sourit mais il refusa ce don généreux, précisant que ces richesses serviraient de dot à la jeune fille qui pourrait ainsi prétendre à une union digne de son talent et de sa beauté.

«  Je n’aime que vous  dit Gloria en rougissant et si vous souhaitez faire de moi votre épouse, je serai la plus heureuse des femmes ».

Roland tomba à ses genoux puis il l’enlaça tendrement en guise de réponse.

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