mardi 9 février 2021

La diseuse de bonne aventure

 



« Alors, mon prince, on veut connaître son avenir » ? Max fut tiré de sa rêverie par la voix rauque d’une créature à la beauté patinée et mystérieuse.

Elle agitait un semainier d’argent en parlant et son visage maquillé aux nuances rubis était mis en valeur par une coiffe surprenante, en dentelle de Caudry, insérée dans un beau madras qui s’harmonisait avec sa tenue de gitane.

«  Moi, c’est plutôt le passé qui m’intéresse » répondit Max.

L’étrange femme s’assit sur la banquette en face de lui, commanda du café et un verre de genièvre avec désinvolture, sortit une boule de cristal d’une élégante sacoche en cuir et la fixa sur la table avec infiniment de soin et de minutie.

« Un mot » ? demanda-t-elle à Max qui répondit « Elisabeth » sans la moindre hésitation.

La gitane se concentra, esquissa des figures en forme d’arabesque au-dessus de la boule et entonna, à voix basse, une sorte de mélopée.

Elle sortit de ses transes pour inviter Max à regarder la révélation venue de l’au-delà.

Stupéfait, Max vit nettement Elisabeth, au sortir de l’église, éblouissante et fébrile dans sa robe de fée.

Il se vit également, penché pour ramasser les précieux objets, le missel surtout mais il vit également nettement l’une des photos dont il ne se souvenait pas : c’était un homme élégant, en costume quasi princier. Il arborait une perle dans sa cravate Lavallière et il souriait avec charme.

La vision disparut et Max entendit la voix de la gitane qui lui réclamait vingt euros.

Il s’acquitta de la somme demandée sans broncher, paya l’addition en incluant la commande de la gitane et il s’éloigna, à grands pas, ignorant les rappels de la gitane qui souhaitait poursuivre ses fructueuses recherches.

Rentré chez lui, il eut la bonne fortune d’y trouver Angèle qui mettait de l’ordre dans la maison et qui s’apprêtait à lui préparer des asperges à la sauce mousseline, accompagnées d’œufs durs à la russe.

Elle avait également l’intention de lui faire des crêpes Suzette et des gaufres, ce qui lui parut de bon augure pour que la journée se termine au coin du feu avec l’exploitation possible de la révélation du jour.

En attendant, il feuilleta l’album de photographies familiales et découvrit dans l’espace réservé à sa communion solennelle, un homme qui ressemblait étrangement à la vision de la boule de cristal.

Au dos de la photographie, il lut «  l’oncle d’Amérique » avec surprise : c’était la première fois que cette mention, annotée par sa mère, apparaissait dans la saga familiale.

Il renonça à interroger Angèle, de crainte que les veillées au coin du feu ne lui apparaissent comme des interrogatoires déguisés mais c’est elle qui aborda le sujet de l’enquête.

Il lui montra alors la photo et la mention qui l’intriguait.

Angèle lui révéla alors que cet homme, connu sous le nom de Victor, avait séjourné au village à l’époque du crime puis avait mystérieusement disparu après avoir donné dans les familles principales et huppées du village une explication de sa présence à Fleur-Lez-Lys.

Ma mère avait sans doute utilisé ce terme d’oncle d’Amérique d’une manière ironique pensa Max et il se promit d’enquêter sur l’identité réelle de ce personnage puisque sa photographie, de plain-pied, se trouvait dans le missel d’Elisabeth.

Pour terminer la veillée en beauté, Angèle lui chanta Le Petit Quinquin avec tendresse et mélodie.

Pour la première fois, Max passa une bonne nuit, sans rêves et au petit matin, le petit déjeuner pris en compagnie d’Angèle, il partit, déterminé à renouer avec les liens du passé.

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