jeudi 4 février 2021

Le prince Zahir

 



Dans un royaume de sable, de marbre et de vent vivait un prince épris de justice et de beauté.

Chaque jour, le prince Zahir rendait un vibrant hommage à la mémoire de ses ancêtres puis il s’adonnait à l’une de ses passions, la création de mosaïques destinées à l’embellissement de son palais.

En fouillant le sol pour y trouver le matériau nécessaire à l’élaboration des mosaïques, il trouva, un jour, une pièce d’or dont l’avers révélait le portrait d’une jeune femme à l’étrange beauté.

Secrètement épris de cette représentation féminine inédite, il pensa qu’elle avait forcément un modèle vivant et captivant.

Délaissant ses tâches habituelles, le prince partit à la recherche de l’énigmatique princesse qui avait laissé son empreinte sur une pièce de métal pur, reflet terrestre du soleil qui régit l’ordonnance du monde.

Il chevaucha longuement avant de faire une pause dans un village qui lui sembla accueillant.

Il demanda l’hospitalité à une belle ferronnière qui régnait sur un domaine florissant.

Elle était veuve. Son défunt mari lui avait légué tous ses biens qui étaient considérables et de nombreux partis s’étaient présentés à elle mais Dame Ingrid s’était dit sagement que l’amour ne frappait pas deux fois à la même porte et elle avait gardé sa liberté.

Elle avait ouvert sa porte au prince Zahir car il lui semblait fait du même bois qu’elle et avait le visage avenant de ceux qui ont l’âme pure.

Zahir ne lui révéla pas l’objet de sa quête et la raison profonde de son voyage à travers le monde car il craignait d’apparaître sous le jour d’un homme écervelé.

Il prétexta s’être égaré sur la route d’un pèlerinage.

L’hospitalité de Dame Ingrid était si précieuse que le prince voulut la remercier de manière concrète et pérenne.

Il mit son savoir de mosaïste à la disposition de la dame qui l’accepta avec reconnaissance.

Il créa ainsi un ravissant patio où il érigea une fontaine dont l’eau alimentait citronniers et orangers disposés à titre d’ornement et de source vitaminée.

Les mosaïques des murs du patio étaient d’un bleu profond, reflétant toutes les beautés du ciel.

Heureuse des embellissements de sa propriété, Dame Ingrid offrit une pleine bourse de louis d’or à celui qui avait su la remercier de si belle manière.

Le soir, dans sa chambre, le prince délia les cordons de soie de la bourse et il découvrit avec stupeur des pièces toutes semblables à celle qui avait provoqué son désir de voyage.

Le lendemain, il interrogea habilement son hôtesse sur la personne qui avait servi de modèle au joaillier et apprit ainsi qu’il s’agissait tout simplement de la propre fille du maître orfèvre.

Mariée et mère de beaux enfants, à son image, elle avait, à l’heure actuelle, une adolescente en âge de se marier mais qui refusait tous les partis offrant leur désir d’union.

Soulagé et inquiet à la fois face à la difficulté que présentait la réalisation de son rêve, le prince remercia son hôtesse avec effusion, lui promettant de revenir pour embellir un pavillon situé  dans le jardin, au cœur d’une roseraie et prit la route en espérant rencontrer la belle Edwige qui refusait farouchement toute idée de mariage.

Le hasard fut à nouveau son serviteur puisqu’il découvrit la jeune beauté auprès d’une fontaine. Elle était chargée de rapporter de l’eau fraîche pour le foyer de son père.

Le prince l’aida à remplir ses amphores et lui proposa son concours pour l’acheminement vers son domaine.

Certes, Edwige disposait de mules pour le transport des précieuses amphores mais elle accepta l’aide du prince avec reconnaissance.

Les routes n’étaient pas toujours sûres et elle avait conscience que sa beauté peu commune et son obstination à refuser toute idée de mariage faisaient d’elle une proie particulièrement convoitée.

Le prince Zahir lui apparaissait comme un homme honnête et fiable. L’accord fut donc conclu.

Le domaine d’Edwige rivalisait en richesse et en beauté avec celui d’Ingrid.

Edwige offrit à son hôte une paire de pantoufles brodées et le conduisit à sa chambre pour qu’il puisse se reposer, prendre un bain et revêtir une confortable tenue d’intérieur.

La soirée fut des plus réussies tant sur le plan gastronomique que sur un effet esthétique.

Edwige, en longue robe d’apparat, était resplendissante, ce qui accentua la disposition amoureuse du prince, épris d’une image avant de rencontrer son incarnation après un long voyage et une attente chargée de désir.

Le repas terminé, des musiciens, des danseurs et des poètes présentèrent aux convives un aperçu de leur talent.

Le prince Zahir qui était un poète inné composa une ode destinée  à la maîtresse des lieux et la déclina en toute modestie, une main sur le cœur.

Une larme cristalline s’échappa des paupières de la belle indomptable et les convives comprirent que leur dame avait enfin trouvé le maître de son cœur.

En guise de remerciement, Edwige baisa la main du poète, acte d’allégeance qu’elle avait uniquement réservé à son père jusqu’alors.

Le prince Zahir sut à cet instant que sa quête était achevée et qu’il pourrait gratifier son royaume de la perle rare qu’il avait eu raison de chercher avec tant de ténacité et de ferveur de par le monde.

 

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