mercredi 10 février 2021

La maison de Florian

 



Prétextant le souhait d’embellir sa pièce principale par l’acquisition d’un tableau, Max activa le heurtoir de la porte ouvragée de la maison de Florian, pimpante et enrichie d’un atelier de verre surplombé d’une marquise ouvragée à la mode du Nord.

Florian apparut dans la lumière du matin auréolé d’une cascade de cheveux bouclés argentés, retenus sur la nuque par un catogan de velours noir.

Ils burent silencieusement le café dans la cuisine, pièce privilégiée par tous au village. La pièce était agréable, sobre et dotée d’une magnifique cuisinière à l’ancienne où l’on pouvait créer des plats dignes des grandes tables.

En savourant une gaufre fourrée à la crème vanillée, Max apprit, non sans étonnement, qu’Angèle était aussi la bonne fée de Florian, et ce, depuis des années.

Elle vient un peu moins souvent, dit Florian en souriant car elle a fort à faire avec votre service.

Puis, pour détendre l’atmosphère, Florian proposa à Max de visiter son atelier afin d’y découvrir le tableau de ses rêves.

En pénétrant dans l’atelier, Max fut agréablement surpris par la luminosité qui y régnait.

Un tableau attira son attention, inachevé et pourtant merveilleux, celui que Florian peignait au bord de la « mer », le jour où il avait eu cette illumination de fillette apaisée.

J’aimerais acheter ce tableau, dit-il à l’artiste mais j’attendrai qu’il soit achevé.

C’est sans doute mon chef d’œuvre dit Florian avec simplicité et il sera bientôt terminé. Je songe ajouter des flamants roses ou des cygnes afin d’apaiser la scène.

Bonne idée lui répondit Max et il ajouta : des rouges-gorges perchés sur les roseaux feraient aussi l’affaire mais l’artiste c’est vous, concéda-t-il avec un sourire discret.

Puis il profita de son avantage pour lui demander comment lui était venue l’idée de la représentation de la poupée.

Mais parce qu’elle existe, dit Florian tout de go et il sortit une poupée de porcelaine d’un coffre.

C’était une merveilleuse poupée, vêtue de taffetas et de dentelle, joliment coiffée avec des anglaises qui mettaient en valeur son visage poupin.

Cette poupée précise-t-il, appartenait à notre mère et elle consentait à nous la prêter lorsque nous avions été sages ou que nous avions obtenu de bonnes notes à l’école.

Mon frère la prêtait à Elisabeth pour lui faire oublier les longues séances de pose qu’elle détestait.

Je sais, on croit qu’il l’a transformée en jouet sexuel et qu’il l’a ensuite assassinée mais j’ai peine à le croire. D’ailleurs, je vous fais humblement remarquer, cher inspecteur, que le poignard au manche ciselé n’a pas révélé ses origines.

Max préféra garder le silence et regarda d’autres tableaux pour faire diversion.

L’un d’eux le fascina. C’était la représentation d’une femme d’âge mûr, vêtue avec élégance. Elle tenait par la main deux beaux petits garçons qui n’étaient autres que Florian et Victor.

Où était votre père ? osa demander Max.

Dans un soupir, Florian murmura : «  c’était un prince russe. Il jouait remarquablement de la balalaïka. Il a abandonné notre mère, la quittant pour une danseuse. Maman est venue à Paris et comme elle était très belle, elle a servi de modèle à des artistes, nous permettant ainsi de ne manquer de rien. Elle est morte brutalement, au sommet de sa beauté, inspirant Picasso et autres peintres de renom. Victor et moi l’avons pleurée car elle nous avait toujours prodigué de l’amour. Je suis heureux d’avoir réussi son portrait ».

Il est très beau, en effet, concéda Max, il est même fascinant.

Ainsi, votre mère aimait les poupées, reprit-il afin de renouer avec les fils de l’enquête qui prenait une tournure à la Dostoïevski.

Il s’attendait presque à voir entrer la princesse dans l’atelier pour exécuter la danse du châle.

Allons boire le thé à sa mémoire dit Florian à mi-voix.

Ils revinrent dans la cuisine, burent du thé au jasmin, grignotèrent des gougères au maroilles et se quittèrent sur la promesse de vente du tableau.

Max versa des arrhes, serra la main de Florian et regagna son foyer, heureux d’avoir rencontré un artiste mais déçu d’emporter avec lui de nombreux doutes qui démontaient l’échafaudage du magnifique dossier qu’il avait adressé au Ministère.

 

   

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