Veillée du souvenir

 

Ce soir-là, Angèle s’était surpassée pour la réalisation du menu.

Max insista pour qu’elle l’accompagne et tous deux se régalèrent des produits cuisinés avec adresse et générosité.

Un pâté de chevreuil en croûte, reposant sur un lit de cresson aromatisé à l’huile de noix et garni de cerneaux ouvrait le bal. Vint ensuite un gigot d’agneau en croûte de sel servi avec des cocos de Paimpol fondants. Des tranches de pain à l’hibiscus relevaient le goût puissant d’un fromage de Maroilles. Une jatte de crème à la confiture de roses servit de transition au dessert qui consistait en un excellent gâteau battu fleurant bon le beurre de Thiérache.

Un café et de la liqueur d’angélique clôturèrent ce repas des grands soirs.

Tandis qu’Angèle débarrassait la table, lavait la vaisselle fleurie de Marchiennes et les verres en cristal de Bohême puis mettait de l’ordre dans la cuisine, Max regardait danser les flammes du feu de cheminée, rêvant que la belle Elisabeth sortait du silence pour révéler l’énigme de son destin.

Alors qu’il remuait les braises du foyer à l’aide du tisonnier, Max remarqua les motifs ciselés de la poignée : ils ressemblaient à ceux qui ornaient la garde du poignard qui avait frappé Elisabeth.

C’est la première fois qu’il voyait le tisonnier, c’est pourquoi il demanda sa provenance à Angèle.

Elle l’avait acheté dans une brocante, le trouvant de belle facture et utile pour raviver les braises du foyer.

Un flash revint à la mémoire de Max, traversant les années qui le séparaient de son enfance : il se revit devant la forge d’Antoine. Ce colosse qui fascinait les enfants martelait le fer avec entrain, le transformant au gré de sa fantaisie en outil, en bijou ou en semelles pour les sabots des chevaux. Un magnifique fer à cheval lui servait d’enseigne, portant en son arc son poinçon.

Décidé à prendre des nouvelles de la forge et de son forgeron en guise de début d’enquête, Max se laissa bercer par la chaleur douce du foyer, but une tisane à l’hamamélis préparée par Angèle et se coucha, après avoir recommandé à la femme qui le servait avec célérité d’occuper la chambre d’amis car l’heure tardive lui interdisait de se mettre en chemin pour rentrer chez elle.