vendredi 16 juillet 2021

Angoissante réclusion

 



Bien qu’elle soit bien traitée, nourrie avec un souci diététique affirmé, fleurs comestibles, végétaux en tout genre et semoules de toutes sortes formant l’essentiel des plats cuisinés avec talent, Astrid sombrait peu à peu dans une forme de désespoir silencieux.

Elle n’osait pas peindre, de peur que ses sujets ne déplaisent à son ravisseur au sujet duquel elle se posait maintes questions.

Il portait toujours un masque d’apparat, différent à chaque fois et sa voix prenait plusieurs intonations, son vocable présentant des tournures théâtrales, ce qui l’incitait à penser qu’il était un familier de ce monde si particulier où l’on prend souvent la proie pour l’ombre et où l’on ne sait plus, à force d’osmoses folles, démêler le vrai du faux.

Le pire, pensait-elle, c’est que s’il s’était présenté à moi de manière naturelle, j’aurais pu tomber amoureuse de lui.

Il avait une belle stature, un corps bien sculpté, de jolies mains attirantes qui savaient prodiguer les caresses et même, osait-elle s’avouer, des attributs virils qui la mettaient en émoi.

Dépérissant dans sa jolie prison, elle finit par inquiéter son ravisseur qui décida de l’emmener au grand jour.

Il tenta l’expérience, un soir.

Elégamment vêtue d’un costume de marquise, bien coiffée et poudrée, une cape de velours sur ses épaules, des chaussures vernies à boucles sur des bas de soie, Astrid entra dans une belle voiture de type ancien, une sorte de torpédo à la teinte nacrée et se laissa guider avec une forme de volupté.

Ils arrivèrent place Sébastopol à Lille où brillait le théâtre qu’affectionnait Astrid.

Le ravisseur se gara dans une petite rue adjacente, prit la main de la jeune fille et la fit entrer dans une loge en empruntant l’entrée des artistes.

La loge était spacieuse, fleurie, garnie d’une bonbonnière, d’un plateau-repas et d’une carafe de jus d’orange.

Le jeune homme caressa la joue de sa prisonnière, parcourut son corps d’étreintes furtives puis il sortit en fermant la porte à clef.

C’est un rituel, se dit Astrid en soupirant puis elle aperçut avec plaisir un écran qui lui permettrait de voir le spectacle.

Il s’agissait du Lac des Cygnes et Astrid oublia son statut de prisonnière pour regarder le spectacle éblouissant.

Pour une fois, pendant l’entracte, elle mangea de bon appétit et lorsque son compagnon vint la chercher, elle se laissa caresser et étreindre sans se rétracter.

Ils revinrent sans mot dire dans la jolie prison du beffroi.

Pour la première fois, le ravisseur ôta son masque, révélant à la jeune fille le beau visage inconnu de celui qu’elle aurait pu aimer.

Il la dénuda, fit de même et s’allongea à ses côtés. Il la couvrit de baisers en lui disant des mots d’amour et Astrid s’endormit dans ses bras, nouvelle Belle au Bois Dormant qui attend le prince venu pour la délivrer.  

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