lundi 12 juillet 2021

Le salon d'argent

 



Un salon resplendissant d’ornements d’un blanc reflétant la lumière et doté de fauteuils dorés et d’une scène de théâtre décorée selon les critères légendaires, s’offrait aux yeux éblouis de Blanchefeur qui n’avait jamais rien vu de tel.

La Dame Blanche apparut sur scène et prit la parole sans interlude d’aucune sorte.

« Je suis née dans un domaine qui respirait le bonheur. Choyée par des parents aimants, j’étais loin d’imaginer que la foudre du malheur allait s’abattre sur moi dans la fleur de mes seize ans.

Alors que je me promenais dans les allées du parc, un homme surgit, me fit respirer un parfum opiacé et m’emporta sans que je puisse opposer la moindre résistance.

Puis je revins dans le parc, croyant que quelques instants s’étaient écoulés depuis cette sorte de cauchemar mais en voyant la stupéfaction mêlée à la joie sur tous les visages, je compris que mon absence avait été durable. Un an me dit-on, j’étais partie toute une année sans laisser le moindre indice de ma présence dans les domaines proches du nôtre.

Tous les voisins avaient juré qu’ils ne m’avaient vue en aucune demeure gérée par leurs soins.

Pour raconter la suite de mon aventure, je vais demander à Merlin, mon ami, mon bienfaiteur, de prendre la parole car ce sujet, quoique lointain, m’est encore douloureux. »

Enora rejoignit Blanchefleur, s’assit à ses côtés tandis que fleurissait un intermède musical.

On leur servit des palets de dame, une délicieuse pâtisserie aux saveurs épicées et un verre d’hydromel pour les plonger dans une atmosphère féerique.

C’est alors qu’apparut sur scène, enrobé dans un nuage poudré d’or, Merlin en toute majesté.

Il poursuivit le récit.

« Le temps passa puis on parla de moins en moins de l’aventure d’ Enora et ce, d’autant plus qu’elle ne se souvenait de rien, à l’exception d’étranges rêves. Elle se voyait, vivant aux côtés d’un dieu aquatique, mi-homme, mi- poisson.

On fit savoir au château et à la ronde qu’il ne fallait plus importuner la jeune fille en sollicitant sa mémoire.

Peu à peu, le souvenir de son étrange disparition s’effaça et l’on songea tout naturellement qu’un beau mariage clôturerait cet épisode fâcheux.

De nombreux prétendants se déclarèrent tant la beauté d’Enora était bouleversante.

La jeune fille ressentit une vive inclination pour un bel homme peu fortuné mais doté de l’art de plaire en toutes les manières.

Il s’agissait d’un baron dont le prénom était celui d’un héros légendaire, Olivier, cité comme le meilleur ami de Roland dans ce poème épique.

De fontaines en ruisseaux avec causeries dans le jardin d’amour, il se noua une idylle comme on n’en voit que dans les romances.

Personne ne s’offusqua du choix de la comtesse et l’on s’affaira pour les préparatifs d’un magnifique mariage.

Tout fut au rendez-vous, faste, cérémonie émouvante où la mariée apparut, rayonnante, sa belle chevelure retenue par un diadème d’argent serti de fleurs d’oranger en pierres ciselées, couleur nacre et topaze ainsi que mille et une merveilles.

On vit même un éléphant, offert par un prince africain.

Le repas fut à la hauteur de l’événement. S’ensuivit un bal ouvert par les mariés qui s’esquivèrent dès que la fête battit son plein.

Et c’est alors qu’un drame se produisit. L’amoureux éperdu de sa jeune épousée constata que la mariée ne méritait pas d’arborer les insignes de la virginité.

Enora se défendit en sanglotant mais l’époux fut inexorable.

Il fit atteler, de nuit, un attelage, appela des amis fidèles, sensibles aux codes de l’honneur. Ils acceptèrent de le suivre dans ses desseins funestes et ils emmenèrent la mariée, revêtue de sa belle robe immaculée, pour la conduire au tombeau et l’y ensevelir, vivante.

C’était sans compter sur Merlin l’enchanteur dit malicieusement le conteur car au moment même où ils firent descendre de la calèche la belle Enora pour lui réserver la plus cruelle des morts, la jeune femme fut subtilisée par une poupée qui ressemblait, à s’y méprendre, à la belle épousée.

J’emmenai Enora dans un château digne de sa beauté, celui que vous connaissez, tandis que les jeunes gens, avides de vengeance et pleins de cruauté ensevelissaient le subterfuge.

Depuis, je m’emploie à honorer sa beauté et tout naturellement, je lui ai fait don de la jeunesse éternelle et de la beauté.

Permettez-moi d’en user de même avec vous, chère Blanchefleur. »

Joignant le geste à la parole, Merlin ceignit la chevelure de Blanchefleur d’un diadème d’or serti d’aubépines, rendant ainsi le message apporté par la mésange, bien réel et porteur d’un avenir radieux.

 

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