La maison des contes

 

Grâce à d’excellents articles parus dans Nord Matin, signés Jade, Fleur-Lez-Lys fut élevée au grade de «  Petite cité de caractère » et attira des touristes, précipitant également le retour au pays de certaines personnes qui vivaient en Aquitaine.

Jean Davaine, ancien élève de l’ École Nationale d’Apprentissage d’Armentières, école prestigieuse qui formait des ingénieurs à la férule, dans un enrobage universel, ouvrit un petit commerce charmant «  Tout pour la Mariée », donnant envie aux jeunes filles de se laisser mettre la bague au doigt, ce qui était momentanément passé de mode.

Les cloches de l’église Saint Michel reprirent du service et un confiseur, spécialisé dans la confection des dragées et autres douceurs connut un vif succès.

L’installation au cœur du village la plus spectaculaire fut celle de la propriétaire d’une extraordinaire Maison des Contes.

C’était une très belle maison bourgeoise baptisée «  Château » par les habitants du village, suivant ainsi les coutumes locales.

Elle avait subi un ravalement de choc qui avait éliminé toute trace d’humidité.

L’inscription Maison des Contes apparut en lettres pourpre, or et turquoise.

La propriétaire de ce lieu charmant apparut enfin. C’était une jeune femme qui semblait sortie d’un conte de fées, à la chevelure blonde et bouclée, cascadant sur ses épaules blanches, lui couvrant le dos jusqu’à la chute de ses reins, lui conférant ainsi le charme d’une sirène.

Il se murmura que dans les jardins attenants à la maison, il y avait une maison en pain d’épices, meublée d’éléments en chocolat massif, décoré de fleurs en pâte d’amande.

La maison était protégée par un dôme pour l’abriter de la pluie et des intempéries.

Sans doute des enfants auraient-ils la primeur de cet endroit merveilleux.

Il n’y aurait pas de sorcière pour les y attirer car Dame Aurore, la maîtresse des lieux, paraissait trop avenante pour nourrir de sombres desseins.

Néanmoins la cité avait découvert, grâce aux enquêtes de Max, que  les monstres n’avaient pas toujours le physique de l’emploi et chacun se promit d’ouvrir l’œil et le bon.

«  Chez Marius », le café fréquenté par des habitués connut un nouvel essor et Jade dont on se moquait gentiment auparavant eut sa table attitrée.

Antoine le forgeron de la cité qui était aussi un ferronnier d’art sortit de sa retraite pour offrir à la journaliste une table et une chaise ouvragées et il conçut également une plaque digne d’Hollywood qu’il installa sur le carrelage marbré, à l’endroit précis où les derniers rayons du soleil signalaient l’approche nocturne rituelle.

Jade reçut un triomphe, certes mérité et elle inaugura la célébration de la plaque sur laquelle on pouvait lire : « Jade, digne émule de Théophraste Renaudot, brillante journaliste de Nord Matin ».

Max fit la paix avec la jeune femme et pour lui prouver sa bonne volonté, il lui suggéra de garder un œil vigilant sur la Maison des Contes, cette étrange demeure avec sa maison en pain d’épices attenante ainsi que sa propriétaire, la belle et avenante Dame Aurore dont on ne savait rien, mis à part le fait qu’elle était apparemment riche.

Personne, à part les maîtres d’œuvre, ne l’ayant rencontrée, le mystère restait entier.

Jade remercia le fabuleux Max Lambert qui avait déjà à son actif la résolution de trois énigmes singulières et elle savait, par ailleurs, qu’il portait toujours en son cœur le souvenir de l’éblouissante Elisabeth, si belle dans sa robe de communion et retrouvée poignardée au lendemain de la cérémonie.

Max s’était longtemps cru responsable pour ne pas avoir ouvert l’œil puisque, marchant en communiant aux côtés de la petite fille, il avait tellement été subjugué par sa beauté qu’il ne s’était pas interrogé sur l’extraordinaire fébrilité de la communiante, laissant tomber chapelet et missel qu’il se contentait de ramasser galamment, sans voir qu’il s’agissait d’un appel au secours.

Jade lui pressa la main avec effusion et l’assura qu’il n’y aurait pas une nouvelle Elisabeth à Fleur-Lez-Lys et qu’elle porterait un regard acéré sur cette Dame Aurore dont on ne savait rien.