mardi 27 juillet 2021

Le chevalier à l'armure d'or

 



De retour d’une expédition guerrière menée aux confins du royaume pour repousser des attaques d’ennemis héréditaires, le comte Henri de Saint-Thual entra dans une chapelle pour y rendre grâce à Dieu et y prendre un peu de repos.

La rosace centrale du vitrail était d’une singulière beauté. On y voyait un chevalier aux genoux de sa dame dont la blonde chevelure était ceinte d’une couronne de fleurs exquises, nimbant son délicat visage d’une douceur céleste.

De la tribune supérieure vinrent les accords harmonieux d’un orgue dont jouait une jeune fille avec virtuosité.

Le cœur débordant d’émotion, le comte sortit de la chapelle, ébloui, si éloigné des scènes de guerre vécues avec ardeur et souffrance pour que son suzerain soit libéré d’ennemis virulents.

Il avait dû guerroyer à cheval, à pied, sa lourde épée à la main. Frappant d’estoc et de taille, il avait été heureux de ne pas être blessé gravement.

Il avait été quitte pour quelques estafilades. Néanmoins, il se sentait bien las et il espérait qu’une période de paix succèderait à celle de la guerre.

Tenant son cheval par la bride, Henri de Saint-Thual marchait à pas lents, foulant l’herbe de ses poulaines cuirassées d’acier.

Assoiffé, il fit une halte près d’une rivière et en se penchant pour boire, il aperçut son reflet dans l’eau vive.

Il se vit alors couvert d’une armure en or.

Surpris, il enleva sa cuirasse et constata qu’elle était effectivement en or massif et qu’elle jetait des reflets dorés.

Quel étrange sortilège, se dit-il et c’est alors qu’apparut une jeune fille si belle qu’elle semblait sortir d’un livre d’Heures.

Sublimée par une robe vaporeuse en camaïeu rose, la féerique apparition resplendissait d’une divine beauté.

Sa longue chevelure qui lui tombait sur les reins, savamment coiffée en ondes bouclées, était retenue par un catogan de velours grenat orné de perles et de rubis.

Sensible à l’aura poétique de cet être divin, Henri de Saint-Thual mit un genou à terre et s’adressa ainsi à la jeune femme :

«  Divine beauté, je me prosterne devant votre sublime personne. Etes-vous une ondine, une fée des bois, une reine ou une simple mortelle ? Vous rayonnez en ces bosquets comme une étoile déposée sur la terre en guise d’offrande.

Que puis-je faire pour vous servir, ô dame de beauté ?

-          Je suis Yolande de Concoret, noble chevalier et je viens en ces lieux pour cueillir des fleurs qui orneront le tombeau de Merlin.

-          Je vous en prie, chevalier, relevez-vous et remettez votre cuirasse qui jette de l’or sur la prairie, faisant pâlir les genêts et les boutons d’or » !

Henri de Saint-Thual se releva, revêtit sa cuirasse et déclina son identité, la main sur le cœur.   

Il fit état de sa condition nobiliaire, brossa un tableau idyllique des richesses de son fief, proposant à la jeune fille de devenir son chevalier servant.

Yolande de Concoret sourit pour toute réponse et ses grands yeux bleus s’étoilèrent de points d’or.

Elle invita le chevalier à partager son repas : il était préparé avec soin par Althéa, sa dame d’atour.

Une joyeuse flambée dans la salle d’apparat du manoir de Yolande enveloppa ses hôtes d’une douce chaleur.

Délivré de son armure, le chevalier apparut dans un pourpoint rouge et or qui jeta une note supplémentaire de lumière dans la grande salle ornée de manière à respecter le style d’un relais de chasse.

Yolande avait tenu à ce qu’aucun trophée n’apparaisse sur les murs de la salle, préférant évoquer cet art cynégétique sous forme de tapisseries brodées à l’aiguille, noble art où elle excellait.

La table fut dressée promptement.

De la belle vaisselle en faïence de Quimper jetait une note régionale, rappelant par ailleurs, grâce au choix des motifs, les origines de sa famille : le houx et la bruyère pour évoquer la présence de l’enchanteur de Brocéliande.

Yolande avait envoyé un serviteur fleurir le tombeau présumé de Merlin, la légende voulant par ailleurs qu’il ait pu échapper aux artifices de la fée Viviane, perfide enchanteresse prête à enchaîner son bienfaiteur.

Althéa et ses servantes apportèrent des galettes de sarrasin fourrées de champignons et d’œufs.

Puis le plat-phare de la cuisine bretonne, le Kig ha Fars, fit une entrée triomphale sur la table.

Yolande invita sa dame d’atour à prendre place à ses côtés et des personnes de haut rang rejoignirent les hôtes afin que ce plat copieux n’ait pas été servi en vain.

De fait, ce repas achevé, on convint de renoncer à un quelconque dessert, fût-il léger, et de réserver les belles préparations pour le lendemain.

Dame Yolande invita le chevalier à se retirer dans la grande chambre d’hôte qu’on lui avait préparée.

Le lendemain, Henri de Saint-Thual se régala de crêpes à l’orange et de kouin aman.

Un grand bol de lait chaud au miel et aux amandes l’aida à absorber ces mets délicats et sucrés.

Alors qu’Henri ajustait son armure, Yolande apparut, plus sublime encore que la veille.

Elle avait des fleurs dans les cheveux et l’on ne savait trop distinguer la fleur de la jeune femme tant elle était l’incarnation sublimée de la rose d’amour !

Ils joignirent leurs mains et c’est alors qu’une grande lumière inonda la salle.

L’enchanteur Merlin fit une entrée spectaculaire dans un bruit de tonnerre zébré d’éclairs bleus.

«  La légende voulait que je sois délivré de mon tombeau de pierre par un chevalier à l’armure d’or et une jeune fille de la lignée de Brocéliande, habilitée à fleurir le granit du tumulus ».

Il prit les mains du couple dans les siennes, les précipitant dans un bonheur sans nom.

Bénissant ce retour victorieux de combats épiques et meurtriers, Henri de Saint-Thual demanda à la belle Yolande de lui accorder sa main.

L’enchanteur disparut comme il était venu et l’on dit que son carrosse était attelé à des licornes prodigieuses.

Le chevalier prit congé de sa dame pour regagner son fief et ordonner les préparatifs de cérémoniaux dignes d’une grande dame pour bénir leur union contractée dans la terre des légendes.

Les fiançailles eurent lieu dans la chapelle où le guerrier avait délesté son âme du poids des combats.

Chacun s’aperçut alors que Yolande ressemblait beaucoup au personnage central du grand vitrail, ce qui était assurément l’augure d’une union accomplie.

Une tunique d’or fin et des bijoux d’inspiration celtique furent livrés au château pour que la belle Yolande semble digne de son chevalier à l’armure d’or.

Les korrigans apportèrent de la vaisselle fine, du gibier et du poisson cuisinés en sauces armoricaines ainsi que des pâtisseries à base de beurre, de farine de blé tendre, d’œufs et d’amandes.

Les noces furent somptueuses et le marié jura fidélité et amour à sa promise en mettant sa main droite sur le cœur puis il l’embrassa tendrement à l’issue de la cérémonie.

Des colombes s’envolèrent, portant dans le royaume des symboles de paix et d’harmonie !

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