samedi 17 juillet 2021

L'étang mystérieux

 



Aurore, renonçant à son titre de « Dame » qui établissait une barrière entre son miroir profond et son apparence, décida de tourner la page une fois pour toutes.

Personne ne se souvenait d’elle, personne ne l’avait reconnue, petite fille, tenant une poupée dans ses bras pour toute protection contre le monde extérieur, qu’importait après tout ?

Vêtue d’une robe de lin brodée de bleuets et de coquelicots entrelacés dans des épis couleur or, elle se dirigea vers l’étang mystérieux, baptisé «  Mer »  par les habitants de Fleur-Lez-Lys.

Elle redoutait un peu d’y rencontrer Pierre Dubois car, au vu des croquis réalisés par Florian, il n’était plus l’enchanteur qu’elle avait connu.

Faute d’enchanteur, je verrai peut-être la vouivre, cette fantasque créature légendaire, affiliée à cet elficologue distingué, comme il s’est lui-même qualifié face à Bernard pivot dans Apostrophes.

Elle le voyait en souvenir, une canne à la main.

Précurseur de Patrick Hernandez lors de l’interprétation mythique de Born to be alive, la chanson qui le mit à l’abri du besoin sa vie durant, il aimait faire des moulinets et jouer de sa cape, s’en enveloppant, à la manière d’un torero.

Mis à part une sarcelle et quelques canards, il n’y avait âme qui vive lorsqu’Aurore s’avança sur les bords de l’étang.

Elle tira de son sac un plaid qu’elle étendit sur l’herbe.

Elle sortit également un carnet et un stylo, un livre, les contes de fées de la Comtesse de Ségur puis elle ferma un instant les yeux car elle était éblouie par une vive clarté.

Elle s’assoupit sans y prendre garde et lorsqu’elle s’éveilla, un drôle de farfadet la contemplait avec curiosité.

Il lui baisa les paupières et s’allongea auprès d’elle, sur le plaid.

Aurore remarqua qu’ils avaient une taille identique et qu’elle n’était plus qu’une poupée.

Elle s’endormit à nouveau et lorsqu’elle se réveilla, ils voguaient dans une barque en écorce de bouleau sur l’étang des merveilles.

Il n’avait jamais aussi bien porté ce nom car Aurore avait l’impression d’être entrée dans le monde des contes auxquels elle était si attachée.

Contrairement à la légende qui le voulait petit et laid, voire méchant, le farfadet avait un joli visage fin et des cheveux bouclés. Sa taille était harmonieuse et il était élégamment vêtu d’un costume en velours vert.

L’esquif emprunta un petit bras de mer et ils finirent par accoster au bord d’un ponton de bois.

Le farfadet aida Aurore à enjamber le vide et ils marchèrent côte à côte pour arriver dans une ravissante petite maison forestière.

Aurore s’assit dans un fauteuil de rotin tandis que le farfadet donnait des ordres à une myriade de fées et de lutins qui firent flamber un feu de bois tandis qu’à la cuisine, le chant des casseroles et des cassolettes accompagnait le fumet délicieux de bouchées campagnardes.

Le repas fut servi dans une jolie pièce éclairée par des flambeaux.

Les mets étaient délicats et savoureux.

Lorsque ce festin prit fin, le farfadet qui se prénommait Orlando conduisit Aurore dans sa chambre, appela la fée Nénuphar pour qu’elle aide sa maitresse à se déshabiller, prendre un bain parfumé et revêtir une somptueuse tenue de nuit.

Elle invita Aurore à se glisser sous les draps d’un lit dont les longs voiles protégeaient la personne endormie des cauchemars ou des rêves pernicieux.

Aurore s’endormit et lorsque l’aube projeta ses premières lueurs, elle fut à peine étonnée de voir Orlando, assis dans un fauteuil, qui la contemplait.

Tandis qu’un vaudeville charmant se dessinait à l’ombre de l’étang mystérieux, on battait la campagne à la recherche de la disparue car on avait trouvé sur le bord de la « mer » un plaid, un sac contenant un carnet et un stylo, de même qu’un livre de contes.

Si elle était partie de manière rationnelle, disait-on, elle n’aurait jamais laissé ces objets derrière elle.

Florian s’en voulut de lui avoir offert l’encyclopédie des lutins de Pierre Dubois.

Elle aura peut-être voulu explorer le monde des farfadets et comme Abeille, l’héroïne d’un conte d’Anatole France, elle aura été enlevée !

Mais ce n’est pas une petite fille dit Max, c’est une adulte et on ne peut pas l’enlever avec facilité.

Qui sait ? dit Florian

Elle est venue ici pour retrouver le monde de son enfance et elle a peut-être subi les effets d’un charme que nous ne connaissons pas.

Vous êtes un incorrigible rêveur s’exclama Max.

Allons, oubliez toutes ces fadaises et reprenons nos recherches avec méthode.

Le mystère est là, bien réel et nous devons explorer les sentiers afin de trouver un indice qui nous mènera à la résolution de l’énigme qui se présente à nous.

 

 

 

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