vendredi 16 juillet 2021

Florian, peintre de rue



Un attroupement d’admirateurs se constitua spontanément lorsque Florian installa son chevalet près du beffroi et se mit en devoir de réaliser plusieurs esquisses au fusain.

Tout en traçant les éléments de la façade, il observait les alentours, gardant à côté de lui un petit cahier où il croquerait la silhouette d’une personne, en principe masculine, qui ferait des va-et-vient autour du bâtiment.

Le carillon sonna à dix-huit heures et c’est à cet instant qu’un homme s’approcha du beffroi et disparut dans une cavité que personne ne pouvait remarquer tant elle était sombre.

Il ne put croquer qu’une silhouette et il fut déçu de ne pas avoir repéré l’approche de l’individu.

Il rangea son matériel, répondit aimablement aux personnes qui le félicitaient pour son talent, accepta de réaliser quelques portraits moyennant une somme modique.

Il fallait qu’il joue le rôle d’artiste de rue, c’est pourquoi il fit ces concessions.

Une jolie jeune fille prénommée Prune fut si heureuse de contempler le dessin artistique qui la représentait qu’elle voulut absolument l’inviter à dîner avec elle au restaurant La Goutte d’Or qui était l’un des lieux prestigieux de la ville.

Florian se plia à cette demande et après avoir rangé son matériel dans la petite voiture de location empruntée pour la cause, il suivit Prune jusqu’à l’auberge gourmande recommandée par le guide du routard.

Le sommelier accueillit Prune avec déférence, elle était visiblement une habituée de la maison, et il apporta tout de suite avant qu’ils ne passent commande, un cocktail aux fruits accompagné de mignardises.

Puis ce fut au tour du maître d’hôtel d’entrer en lice et après consultation de la carte, nos deux gourmets retinrent des plats qui portaient la griffe de Ghislaine Arabian, vol-au-vent de homard à la poularde, cabillaud au genièvre, pommes boulangère et pour finir la tarte à la cassonade.

Pour les boissons, ils s’en remirent au sommelier.

La conversation tourna autour de l’art et du tableau entrepris.

Florian fit part à sa partenaire en gastronomie de son souhait, si elle y consentait, de la représenter près du monument.

Prune applaudit des deux mains et se montra très enthousiaste.

« Afin d’établir un équilibre, dit Florian, il me faudrait un personnage masculin que je placerais à droite. Connaissez-vous quelqu’un qui puisse me servir de modèle ?

A vrai dire, dit Prune, parmi les personnes qui gravitent autour du beffroi, il y a un homme que l’on voit soir et matin, à croire qu’il y habite, ce qui est impossible naturellement. Personne ne le connaît. Il passe comme une ombre et il a souvent les mains chargées de paquets ».

Le serveur qui apportait le dessert et qui avait entendu une partie de la conversation intervint :

«  Nous le connaissons, en effet, il vient parfois nous commander des mets raffinés pour une personne. Il doit s’agir d’une femme aimée car c’est un peu comme si c’était la Saint Valentin chaque jour.

Ses choix se portent sur des compositions légères à base de riz, de semoule de blé, de légumes en sauce et de fleurs comestibles.

Notre cuisinier doit se renouveler sans cesse car ce client exigeant demande à chaque fois une recette nouvelle.

La princesse que je sers a-t-il dit a des goûts précis et elle veut toujours être surprise.

Fort heureusement, il paie rubis sur l’ongle et donne des pourboires princiers à tous les cuisiniers et aux serveurs qui emballent ces préparations délicates.

J’ai hâte de rencontrer ce personnage qui sort de l’ordinaire et de faire son portrait. Ce serait encore plus merveilleux de voir cette princesse à qui l’on apporte les plus beaux plats du monde.

Il la soigne jalousement assura le serveur et l’on voit bien qu’il en est follement amoureux. Je serais étonné que quiconque puisse la voir ».

Le repas terminé, certain d’être sur la piste d’Astrid, Florian voulut prendre congé de Prune, son bon ange mais cette dernière insista pour qu’il passe la nuit chez elle.

«  Nous n’avons pas abusé des bons vins que l’on nous a servis mais il ne serait pas prudent de conduire après ces verres de Sauternes, de Saint- Emilion et de vin jaune d’Arbois.

Je ne voudrais pas abuser de votre bonté dit galamment Florian » mais Prune précisa qu’elle lui serait redevable puisqu’il l’avait choisie comme modèle et qu’elle en était honorée.

L’hôtel particulier de Prune était spacieux et luxueux.

Florian crut revivre sa petite enfance auprès de sa mère lorsqu’elle servait de modèle à des peintres célèbres.

Il s’endormit en rêvant qu’il était redevenu petit garçon et que sa mère, entre deux séances de pose, venait l’embrasser et le border.

 

 

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