Le combat de Grisette

Ses lunettes rondes sur le nez, Grisette, poule coucou au beau plumage, inspecta le poulailler pour s’assurer qu’aucun ennemi ne rôdait dans les parages.

Dame Violetta, la maîtresse du domaine, aimait converser avec elle et lui lissait affectueusement les plumes en la réconfortant.

Je veille, ma bonne amie. Depuis la mort du brave Hector qui livra un dur combat pour vous défendre avant de succomber et la disparition de quelques jolies poules à la robe festonnée de noir, je ne quitte pas votre espace des yeux et la nuit, je ne dors que d’un œil. J’ai fait appel à la Fée Bleue, ma bonne marraine et elle vous a fait don du pouvoir de lire, parler et user d’ergots de défense face à un prédateur.

Grisette, mon amie, nous vaincrons !

Rats musqués, ragondins, fouines, renards, tenez-vous le pour dit ! Nous ne vous laisserons pas nous tyranniser davantage !

Après avoir lissé une dernière fois les plumes de sa championne, Dame Violetta retourna à sa demeure, laissant la poule perplexe et angoissée.

Elle fit encore le tour de l’enclos, reboucha les trous qui lui semblaient suspects et finit par regagner son lit de paille en espérant connaître une nuit paisible.

Alors qu’elle rêvait de bons œufs d’or dont elle ferait présent à Dame Violetta qui était si gentille et si attentionnée, elle sentit une caresse de velours sur son cou.

Elle se dressa précipitamment pour découvrir deux petits yeux cruels qui la considéraient avec férocité.

Une petite goutte de sang tacha son jabot, prouvant ainsi que la caresse était une approche de carnassier assoiffé de sang.

Grisette fit front face à l’ennemi, déploya ses ergots d’acier et fendit la fourrure du nuisible qui partit en glapissant.

Elle resta sur ses gardes puis elle fit bon usage du pouvoir que lui avait conféré la Fée Bleue.

Elle saisit une baguette de bambou et l’agita dans l’air en prononçant une formule magique : Rodilardus, apparais, chasse la vermine de l’enclos !

Elle avait ainsi baptisé un chat virtuel, une sorte de robot ; l’idée lui en était venue en lisant une fable de La Fontaine, Le conseil tenu par les rats.

Dans cette fable, les rats profitaient de l’absence d’un chat nommé Rodilardus qui décimait leur colonie pour tenir conseil afin de trouver la parade à cette hécatombe.

Attacher une clochette au cou du chat parut une excellente idée mais lorsqu’il fallut désigner un audacieux capable de grimper sur le chat et lui attacher le grelot, tout le monde se défila.

Rodilardus, le robot, prit place auprès de Grisette et tous deux parsemèrent de mort-aux-rats les trous qui s’étaient à nouveau reformés.

Cette tâche achevée, Rodilardus regagna l’ordinateur de son créateur et Grisette put enfin reprendre un repos bien mérité, dans l’attente du lendemain !