jeudi 20 août 2020

Quadrille Royal



Sur des airs entraînants, le quadrille se met en place et les danseurs arborent fièrement des poses de voltigeurs, cueillant au passage la fine fleur des dames en quête d’aventures.

Des idylles se nouent et des ruptures s’amorcent tant les regards sont éloquents, d’une séquence à l’autre.

La mazurka met souvent le point décisif pour une demande en mariage ou au contraire, un renvoi définitif par un non-dit,  comme ce fut le cas dans Anna Karénine de Léon Tolstoï.

Le comte Vronski, pour son malheur et celui de celle qu’il aima, dès le premier regard, tomba éperdument amoureux d’une femme mariée, Anna, alors qu’il  devait faire sa demande officielle à une fiancée qu’il trouvait délicieuse jusqu’à l’éclosion de ce bal fatidique.

Le romancier, dans ses carnets, nous révèle qu’il voulait faire le portrait d’une femme fatale, briseuse de rêves et femme adultère, comble du péché lorsqu’il s’agit d’une femme.

Cependant, écrivant sans relâche et alignant les brouillons, il fut pris par le charme de son héroïne et alors qu’il souhaitait en dresser un portrait sévère et irrévocable, il nous montra avec une extraordinaire finesse les méandres de l’âme d’ Anna, tourmentée par le sentiment de la faute, tâchant de retrouver un certain équilibre mais tombant de plus en plus dans le désordre, à force de passion irrésistible.

On souffrait avec elle et on comprenait le vertige fou qui faisait de cette femme irréprochable, belle, intelligente, mère d’un petit Sacha qu’elle adorait et épouse résignée d’un homme au cœur sec qui n’eut de cesse de punir cette femme tombée, mise au ban de la bonne société à laquelle elle appartenait jusque-là, victime désignée à la vindicte publique.

Quelle vertigineuse mort !

Passer sous les roues d’un train ! Point d’orgue d’une descente aux enfers irrépressible tandis  que le beau comte Vronski se faisait juste un peu taper sur les doigts de sa hiérarchie, voilà un tableau édifiant qui n’est plus de mise aujourd’hui !

Nous gardons néanmoins, quoi que le romancier ait voulu nous démontrer, l’incroyable passion d’une femme exceptionnelle pour qui nous éprouvons une immense mansuétude !

Le froufrou des robes et le martèlement des bottes masculines sur le parquet nous ont emmenés dans une gigantesque partie de cartes dont chacun ou chacune se voit roi ou reine de cœur, as ou joker.

Tout le monde se garde de penser à la dame de Pique chère à Pouchkine. Elle est pourtant là, elle veille et parfois elle jette son dévolu sur une victime expiatoire des péchés du monde, rejoignant ainsi la notion chrétienne vouant la danse aux gémonies sataniques.

Les bals figurent souvent dans mes contes, formant l’arpège d’une idylle charmante et je me garde bien d’imaginer une tragique issue à ce qui doit rester, selon mon désir de conteuse, le moment privilégié et harmonieux de prémices amoureux !

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire