lundi 30 novembre 2020

Heurs et malheurs d'une lycéenne

 



Dans ce labyrinthe où se cachait un terrible Minotaure qui dévorait les élèves parias, le lycée, je trouvai une récompense, un fil d’Ariane inédit , la rencontre d’auteurs et de civilisations anciennes.

Le monde de La Fontaine m’enchanta. Je découvris de fort belles pages d’Alphonse Daudet. Les dictées, signées Anatole France, Maurice Genevoix et tant de belles plumes me laissaient un aperçu charmant de notre belle langue.

Je fis aussi une découverte à la suite d’un désarroi profond éprouvé un soir d’études, à l’internat, ma propre plume !

J’écrivis spontanément les premiers vers puis je travaillai pour imaginer les vers suivants de mon premier poème intitulé Qui est plus beau que les roses ?

Lorsque je relis ce poème enfantin qui figure sur mon blog, je suis stupéfaite car j’y trouve tous les thèmes que je développerais ensuite, y compris celui de l’amour que je ne connaissais absolument pas, ne fût-ce qu’en rêve !

La gent masculine me semblait appartenir à un monde qui n’était pas le mien, à l’exception de mon père et de mon frère pour qui je vouais une admiration sans bornes !

Je souffrais beaucoup de l’ambiance disciplinaire du lycée de Douai et j’écrivis une saga dans laquelle une directrice aimante venait border ses pensionnaires et j’inventai toutes sortes d’histoires dont se régalaient mes camarades.

Une élève très douée en dessin illustra mon cahier, ce qui lui donna un charme supplémentaire et m’incitait à écrire de manière à mériter ces magnifiques illustrations. Françoise dessinait à l’encre de Chine puis elle coloriait admirablement ses scènes de genre tandis que je peaufinais un scénario digne de ses chefs d’œuvre.

Elle était fille de gendarme et sa famille était rapatriée d’Algérie. Ses dessins s’apparentaient aux tableaux de Delacroix.

Les femmes en robes brodées, assises en tailleur sur des tapis persans, servant le thé avec grâce étaient si belles qu’elles nous plongeaient dans un univers fantastique.

Cependant,  côté scolarité pure, Françoise peina à l’écrit et la sanction tomba : Redoublement !

On supposa qu’elle s’était dispersée en illustrant mes écrits et elle dut jurer à son père de ne plus jamais me parler.

«  Mais enfin Françoise, on peut tout de même se dire bonjour » plaidais-je en cour de récréation mais elle me regardait comme si j’étais Satan en personne et fuyait, horrifiée en me disant : «  J’ai juré » !

J’ai appris par la suite qu’elle avait suivi des études aux Beaux-Arts. J’ai essayé de la retrouver, en vain !

J’aurais tant voulu lui dire que ses dessins m’avaient marquée pour la vie !

Esope, à l’origine de nombreuses fables de La Fontaine, déclara dans une de ses paraboles : «  la langue est à la fois la meilleure et la pire des choses »

Je pourrais appliquer cet adage à mon style qui fit l’admiration des correcteurs lors du concours de l’entrée en sixième. Cependant, par la suite, cette manière d’écrire ne m’apporta guère de satisfaction et provoqua même un incident regrettable, très préjudiciable pour mon cursus.

J’aimais observer les nuages et à l’occasion d’une rédaction faite à la maison, je me mis en condition pour réfléchir sur le sujet donné, description d’un paysage et ressenti de l’écrivain en herbe.

Assise sur un talus, dans la campagne, j’écrivis la phrase suivante : «  et c’est en voyant ces nuages menaçants que je compris pourquoi les Gaulois craignaient que le ciel ne leur tombât sur la tête »

Avant de distribuer les copies, le professeur dit qu’il y avait une excellente note, en l’occurrence 14 mais que l’élève auteur de la copie était plagiaire.

C’est de moi qu’il s’agissait et le professeur s’ingénia à me faire avouer une faute que je n’avais pas commise : j’avais nécessairement copié une telle phrase dans un livre et elle me sommait de lui donner mes sources !

Furieuse, elle me tança vertement pour m’obliger à avouer mon forfait !

Je restai sur ma position mais désormais elle me considéra comme une fieffée menteuse et une rebelle.

A dater de ce jour, elle gâcha ma vie, laissant planer des menaces, le fameux conseil de discipline ou, comble de l’ironie, un examen de passage dans la discipline pour la classe supérieure.

Ce qui me chagrina le plus, ce fut l’attitude de mes camarades. Celles-là même qui me  pressaient d’écrire l’épisode suivant de ma saga lycéenne, me conseillaient d’avouer et de dire dans quel livre j’avais copié la phrase.

Mais Esope avait raison : on passe facilement du pire au meilleur !

D’une situation critique, je fis de ma plume un tremplin pour me tirer d’affaire.

Le professeur de Sciences Naturelles attribuait les places des élèves selon le classement des dernières notes obtenues.

Au fond de la classe, à l’avant dernier rang, je tremblais car derrière le dernier banc, il y avait l’aquarium des batraciens et de temps à autre, un crapaud ou une grenouille sautaient sur les cahiers des élèves classées dernières.

J’ai toujours eu horreur de ces animaux. C’est pourquoi, lors d’une interrogation surprise, je meublai les carences de mes connaissances d’un lyrisme en forme de va-tout : «  De son long vol gracieux, la libellule etc… »Mes phrases plurent tellement au professeur que malgré un déficit scientifique évident, j’eus une bonne note. De plus, elle lut des extraits de ma copie à titre d’exemple avec une certaine délectation.

J’échappai ainsi aux batraciens, gagnant une place enviable et surtout j’eus la révélation que cette discipline pouvait être passionnante.

L’étude des fougères et des pommes de pin me permirent de gagner des points et d’élargir mon univers.

Comme le disait Voltaire dans Candide : » Malheur ne peut pas toujours être mauvais », paraphrasant ainsi le proverbe populaire «  A quelque chose malheur est bon ».

J’oubliai progressivement les mésaventures engendrées par mes réflexions relatives aux  Gaulois et je me recentrai sur un parcours général d’autant plus facilement qu’un nouveau lycée m’attendait !

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