samedi 28 novembre 2020

Mes Années Lycée

 



Que serais-je devenue si je n’étais pas allée au lycée ? Je préfère ne pas y penser ! mon père voulait me garder auprès de lui, sans se soucier de mon avenir.

Il avait misé tous ses espoirs sur mon frère, l’inscrivant dans une école prestigieuse à Armentières.

Daniel était certes intelligent et il avait de multiples talents. Doué en dessin, en musique, il brillait aussi bien en mathématiques qu’en Français.

Il fut cependant renvoyé de l’école car il était frondeur, belliqueux et il préférait conquérir les filles plutôt que les bonnes notes.

Echaudé par ce désastre, mon père finit par lui donner un ultimatum : le collège technique et un diplôme ou la musette !

C’est ainsi que mon frère devint tourneur sur métaux avant de reprendre les gants et de devenir par la suite professeur en Lycée Professionnel !

Quant à moi, j’eus beaucoup de peine à m’habituer au lycée de Douai, à ses règlements (blouse etc.) , à sa terrible directrice et à cet univers terrifiant si éloigné de l’ambiance familiale de la petite école de mon village.

D’abord demi-pensionnaire, je devins interne car les trajets aléatoires incluant un pont levis à l’entrée de Douai, m’épuisaient et m’interdisaient d’arriver à l’heure.

Interne, je dus affronter la solitude au milieu de camarades habituées aux us et coutumes de l’établissement.

La directrice nous réunissait lors des fêtes, allant jusqu’au champagne, et nous chantions l’hymne du lycée :

«  Nous l’avons bâtie, la chère maison et toute notre vie, nous la protègerons.

Amies, bon courage, bravons les jaloux, Dieu bénit notre ouvrage et triomphe avec nous » !

Je trouve étrange d’invoquer Dieu dans un lycée public mais notre directrice présentait d’autres excentricités.

Toujours coiffée d’un chapeau dont les décorations variaient selon les saisons, cerises, bouquets, plumes, elle alternait le chaud et le froid, souriant en s’adressant aux bonnes élèves et terrifiante face aux malheureuses qui piétinaient.

Outre les châtiments et les perspectives jugées honteuses dans le temple du clacissisme d’une réorientation vers le collège technique, il y avait les récompenses, le tableau d’honneur et les félicitations.

Devenue bonne élève en dépit de résultats médiocres en mathématiques, je ne pus prétendre qu’aux Encouragements.

J’appris des problèmes par cœur pour pouvoir reproduire un raisonnement à l’identique si un questionnement similaire se présentait.

Je ne voulais pas décevoir mes parents et par ailleurs j’étais soutenue par une camarade qui décrochait les Félicitations avec une incroyable facilité.

La directrice avait arraché Guylaine au collège moderne car elle pressentait que cette élève l’aiderait à consolider le fleuron de son lycée.

Guylaine apprit une année de latin en un trimestre et lorsqu’elle nous rejoignit, elle devint, de loin, la meilleure élève de la classe.

Elle n’était pas aimée car on voyait en elle une compétitrice. Elle se prit d’affection pour moi et me fit entrevoir la possibilité de franchir victorieusement la porte des mathématiques en m’expliquant patiemment les rouages chiffrés de la leçon.

Selon ses calculs, je devais pouvoir prétendre aux Félicitations mais il en va des récompenses comme aux notes et aux prix des championnats du patinage artistique : selon les professeurs, on ne devient pas excellente d’un coup, il faut faire ses preuves !

Guylaine suivait des cours au conservatoire et je l’aidais à transporter son instrument, un violoncelle !

Je nous revois, trébuchant sur le trottoir mais heureuses d’être ensemble et de partager une épreuve.

C’est au retour du conservatoire que je ressentis la première attaque du mal qui allait me ronger et qui ferait de mon adolescence un parcours cauchemardesque avec des perspectives sombres.

Je sentis le sol se dérober sous mes pieds tandis qu’un choc dans la poitrine me faisait chanceler.

J’eus toutes les peines du monde à rentrer chez moi.

Ma mère qui considérait les études comme une zone de turbulences, pensa que les vacances prochaines seraient le remède idéal.

Mais les symptômes perduraient. Je voyais le lycée tourner autour de moi, l’adhésion brutale au sol me causait un choc et des balbutiements me venaient aux lèvres spontanément.

Pour conserver les Encouragements, je devais fournir de gros efforts et je n’osais pas parler de mes troubles à Guylaine de peur d’être rejetée !  

Sur ces entrefaites, mon père, secrétaire de Mairie, s’était mis dans une situation critique en attaquant le Maire frontalement et il dut demander sa mutation afin d’éviter les pires ennuis.

On l’obligea à choisir un poste dont il ne voulait pas, près de Denain.

Adieu le lycée de Douai et tous ces liens que j’avais eu tant de mal à tisser !

Mon inscription se fit au Lycée Watteau de Valenciennes et je fis mon entrée en classe de Quatrième, avec le Grec, comme seconde langue !   

 

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