Avec la sensation de vivre un rêve d’amour, le prince Valentin s’éveilla, brûlant du désir de déposer son parchemin Ode à ma Dame d’Amour au pied de Daphné.
Quelle ne fut sa surprise de découvrir que le palais somptueux avait disparu. Ses compagnons et lui se trouvaient sur la grève près du feu de bois où ils avaient dégusté des coquillages cuits à la flamme.
Aurions-nous été victimes d’hallucinations émanant de ces coquillages se demanda le prince.
Il déplora la perte de son parchemin mais en homme d’action, il ordonna que l’on reprenne la voie des ondes.
Les rames de la chaloupe fendirent les flots et le petit équipage fut bientôt soulagé de retrouver la tiédeur familière de leur voilier.
Le prince fixa le cap sur le retour en leur île. Cet épisode étrange l’avait profondément déçu et il ne souhaitait plus connaître d’autres aventures.
« Daphné » criait son cœur, fendillant l’améthyste d’une fêlure profonde. Cependant, en cherchant dans sa poche un carré de soie qui lui servait de talisman, il le trouva lesté d’une rose de cristal où les mots « Je suis à vous » étaient gravés.
Un regain d’espoir calma les ardeurs de son cœur.
De retour en son palais, il fit mention de nombreuses rencontres plaisantes lors de son voyage à étapes mais ne souffla mot de son aventure picaresque. Ses compagnons l’imitèrent, irrités de cette impression de flou et d’illusions.
Valentin aurait presque oublié sa Dame d’Amour si une tourterelle n’était pas venue toquer à sa fenêtre pour lui remettre une bague précieuse où le laurier s’enroulait autour d’une rose portant son nom en son cœur.
Heureux de ce don qui s’ajoutait au précédent, le prince ferma les écoutilles de son cœur, craignant une nouvelle déception.
Le cours de sa vie s’écoula sans heurt et personne n’osa suggérer au prince de trouver la belle de son cœur au fil de l’aventure.
Les pêcheurs de l’île furent déçus de se voir refuser leurs coquillages. Persuadé d’avoir été victime d’hallucinations après avoir ingéré les délicieux mollusques trouvés sur la grève, Valentin ne souhaitait plus en faire son ordinaire, se méfiant également des produits de la mer.
Tout ce qui venait des flots lui semblait dangereux. Les cadeaux émanant de Daphné lui apparaissaient également porteurs de sortilèges et il les enferma dans un coffre métallique afin de réduire leur nocivité supposée.
Petit à petit, le prince sombra dans la mélancolie. Il perdait l’appétit, se méfiant des aliments qui lui rappelaient le festin servi au palais de Daphné.
Sa vie heureusement prit un nouveau cours alors qu’il tentait de faire disparaître les voiles noirs de ses yeux en se promenant en bord de mer.
Il vit une jeune fille luttant dans les vagues pour ne pas être emportée au large.
N’écoutant que son courage, il plongea dans l’écume d’une immense vague.
Empoignant la désespérée, il parvint jusqu’à la grève.
Il lui dispensa les premiers soins et lorsqu’elle ouvrit les yeux, il vit deux émeraudes et il sut, à cet instant, qu’il avait trouvé sa princesse, sa véritable Dame d’Amour.
Néanmoins, il se méfia de tout emballement précipité. Il conduisit la jeune fille au palais et demanda aux gouvernantes de s’occuper d’elle avec soin.
S’interdisant de rêver, il s’assura qu’un repas de qualité avait été servi à sa protégée et il s’endormit en songeant qu’il pourrait désormais penser à autre chose qu’à son fiasco amoureux.