samedi 31 mai 2025

Le don d'amour

 

 


Avec la sensation de vivre un rêve d’amour, le prince Valentin s’éveilla, brûlant du désir de déposer son parchemin Ode à ma Dame d’Amour au pied de Daphné.

Quelle ne fut sa surprise de découvrir que le palais somptueux avait disparu. Ses compagnons et lui se trouvaient sur la grève près du feu de bois où ils avaient dégusté des coquillages cuits à la flamme.

Aurions-nous été victimes d’hallucinations émanant de ces coquillages se demanda le prince.

Il déplora la perte de son parchemin mais en homme d’action, il ordonna que l’on reprenne la voie des ondes.

Les rames de la chaloupe fendirent les flots et le petit équipage fut bientôt soulagé de retrouver la tiédeur familière de leur voilier.

Le prince fixa le cap sur le retour en leur île. Cet épisode étrange l’avait profondément déçu et il ne souhaitait plus connaître d’autres aventures.

«  Daphné » criait son cœur, fendillant l’améthyste  d’une fêlure profonde. Cependant, en cherchant  dans sa poche un carré de soie qui lui servait de talisman, il le trouva lesté d’une rose de cristal où les mots «  Je suis à vous » étaient gravés.

Un regain d’espoir calma les ardeurs de son cœur.

De retour en son palais, il fit mention de nombreuses rencontres plaisantes lors de son voyage à étapes mais ne souffla mot de son aventure picaresque. Ses compagnons l’imitèrent, irrités de cette impression de flou et d’illusions.

Valentin aurait presque oublié sa Dame d’Amour si une tourterelle n’était pas venue toquer à sa fenêtre pour lui remettre une bague précieuse où le laurier s’enroulait autour d’une rose portant son nom en son cœur.

Heureux de ce don qui s’ajoutait au précédent, le prince ferma les écoutilles de son cœur, craignant une nouvelle déception.

Le cours de sa vie s’écoula sans heurt et personne n’osa suggérer au prince de trouver la belle de son cœur au fil de l’aventure.

Les pêcheurs de l’île furent déçus de se voir refuser leurs coquillages. Persuadé d’avoir été victime d’hallucinations après avoir ingéré les délicieux mollusques trouvés sur la grève, Valentin ne souhaitait plus en faire son ordinaire, se méfiant également des produits de la mer.

Tout ce qui venait des flots lui semblait dangereux. Les cadeaux émanant de Daphné lui apparaissaient également porteurs de sortilèges et il les enferma dans un coffre métallique afin de réduire leur nocivité supposée.

Petit à petit, le prince sombra dans la mélancolie. Il perdait l’appétit, se méfiant des aliments qui lui rappelaient le festin servi au palais de Daphné.

Sa vie heureusement prit un nouveau cours alors qu’il tentait de faire disparaître les voiles noirs de ses yeux en se promenant en bord de mer.

Il vit une jeune fille luttant dans les vagues pour ne pas être emportée au large.

N’écoutant que son courage, il plongea dans l’écume d’une immense vague.

Empoignant la désespérée, il parvint jusqu’à la grève.

Il lui dispensa les premiers soins et lorsqu’elle ouvrit les yeux, il vit deux émeraudes et il sut, à cet instant, qu’il avait trouvé sa princesse, sa véritable Dame d’Amour.

Néanmoins, il se méfia de tout emballement précipité. Il conduisit la jeune fille au palais et demanda aux gouvernantes de s’occuper d’elle avec soin.

S’interdisant de rêver, il s’assura qu’un repas de qualité avait été servi à sa protégée et il s’endormit en songeant qu’il pourrait désormais penser à autre chose qu’à son fiasco amoureux.

Ode à ma Dame d'Amour

 



Comme le lierre s’enlace à la rose tant chantée par Ronsard, belle Daphné, tu t’es enroulée en mon cœur, distillant ton parfum ineffable.

L’améthyste qui bat dans ma poitrine explose en mille éclats qui sublimeront ta beauté si j’ai le bonheur de te serrer dans mes bras.

ô ma Dame d’Amour, peu s’en faut que je ne meure tant l’ivresse me saisit à la perspective de saisir votre beauté à pleines mains, à pleines lèvres, douces comme les pétales de roses que j’effeuillerai sur votre corps d’albâtre flexible sous la caresse de mes baisers.

Mon amour, je vous offre mon cœur, mon royaume et tous les trésors que j’arracherai à la terre, à la mer et au ciel pour vous plaire.

Dame de beauté, je vous aime tant que je souhaite m’enraciner près de vous pour mieux vous aimer.

Je dépose à vos pieds le cri d’amour gélifié de mon être, cristallisé en une améthyste toute semblable à la mienne, pour que nous vivions au rythme de la beauté originelle qui nous lie.

Que ces pierres d’amour ruissellent de splendeur tout au long de notre vie !

Le prince au coeur d'améthyste


Dans une île lointaine gardée par des dragons vivait un prince dont le cœur d’améthyste rayonnait en imposant sa douceur violine.

Pressé par son entourage de conquérir une princesse qui assurerait sa descendance, le prince Valentin affréta son plus beau voilier, l’équipa et le dota de provisions et de richesses avant de faire larguer les voiles et de fendre les flots pour tenter l’aventure.

Au cours de son voyage, il visita de nombreux royaumes, fut reçu avec magnificence et offrit en retour de la vaisselle fine, des tapis persans et des bijoux en remerciement de l’hospitalité dispensée.

Cependant aucune princesse ne lui parut digne de son cœur qui battait au rythme de ses sensations.

Il commençait à désespérer quand l’homme de vigie annonça une île en forme de cœur.

Intrigué, il fit mettre la chaloupe à la mer et débarqua sur le rivage où les oiseaux, les coquillages et parfois une sirène se disputaient la primauté.

Le prince ordonna  la création d’un feu de joie à l’aide de branches sèches collectées dans un petit bois.

Son escorte et lui-même dégustèrent de délicieux coquillages cuits à même la braise et se régalèrent de fruits cueillis dans l’île.

«  Serait-ce une île déserte se demanda Valentin ; en ce cas, il serait peut-être inutile que je prolonge mon séjour » et il allait faire mettre la chaloupe à la mer quand un oiseau bleu se percha sur son épaule et lui murmura ce qu’il prit pour des promesses d’amour.

«  Soit, bel oiseau, tu as gagné mon cœur. Explorons ton royaume ».

Le prince et son escorte s’enfoncèrent dans le petit bois et au sortir, découvrirent un ravissant palais de marbre couvert d’améthystes.

Ce symbole lui alla droit au cœur qui se mit à vibrer de manière éloquente.

La porte de quartz rose s’ouvrit et l’intérieur du palais dévoila sa magnificence.

Valentin et ses compagnons découvrirent un univers fascinant où les pierreries étaient omniprésentes.

Un serviteur les invita à prendre place à la grande table où un service de porcelaine était dressé.

Des jeunes filles stylées leur rafraîchirent les mains à l’eau de rose puis la ronde des mets délicats commença.

Flûtes de champagne, eau pétillante en carafe et vins renommés soulignèrent la subtilité des plats variés et conformes aux goûts des îliens. Jambalaya à la créole, poulets rôtis aux fèves, bouillons parfumés, assiettes composées et desserts gourmands , pasteis de nata, bavarois aux fruits et tartes aux amandes et aux pralines roses ravirent les convives.

Lorsque le repas toucha à sa fin, la maîtresse de maison apparut et sa seule vue fascina la tablée.

Elle avait l’allure d’une amazone. Drapée dans une longue robe blanche laissant apparaitre ses bras nus ornés de bracelets d’argent, elle avait libéré ses cheveux qui cascadaient sur ses hanches épanouies.

« Comme vous êtes belle » s’exclama Valentin et il lui présenta une pierre d’améthyste qu’il réservait à l’élue de son cœur.

«  Point n’est besoin de bijoux pour me séduire dit l’apparition céleste. On me nomme Daphné comme la nymphe qui se métamorphosa en laurier pour échapper aux avances du dieu Apollon. Néanmoins, je ne tenterai pas de fuir si vous me faites un brin de cour, beau prince » dit-elle.

Sur ce, elle se retira après avoir ordonné à son personnel de loger le prince et son escorte.

Dans une belle chambre décorée de fleurs stylisées et de scènes familières, le prince se mit à rêver.

Une écritoire précieuse s’offrait à lui ; il s’en saisit pour composer une ode destinée à sa dame de cœur puis, sa tâche achevée, il prit un bain et se mit au lit en rêvant que la belle Daphné répondait aux caresses de mots qu’il avait entrelacés comme des cœurs vibrant d’amour.

vendredi 30 mai 2025

La valse brune

 


Les écureuils sont venus chercher Vincent Niclo pour répondre à l’invitation de la reine Dahlia qui l’attendait à l’orée de la forêt dans une robe arc en ciel.

Vincent chanta des couplets de La Valse Brune qui avait charmé sa jeunesse.

«  C’est la valse brune

Des chevaliers de la lune

Que la lumière importune

Et qui recherchent des coins noirs

C’est la valse brune

Des chevaliers de la lune

Chacun avec sa chacune

La danse le soir ».

Sur cet air entraînant composé par Georges Krier, Vincent connut des moments d’ivresse en compagnie de la reine Dahlia dont la beauté éclipsait celle des astres.

Ils firent des émules. Des chevaliers de la lune enlacèrent leur belle du soir et chaque couple connut les frissons du désir sublimés par la danse.

Dans une ambiance rappelant les grands moments de Casque d’Or, les valseurs dansèrent éperdument, obligeant Vincent à quitter la belle Dahlia pour entamer un tour de chant où les plus beaux airs du répertoire s’égrenèrent comme autant de joyaux, La Java Bleue, Riquita et La femme aux bijoux.

Ce joli tour de chant terminé, la reine Dahlia ayant regagné son palais fleuri, les écureuils escortèrent Vincent jusqu’à sa demeure et ils déposèrent, en guise de remerciement, des bijoux ciselés en noisettes, leur délice favori !