En s’éveillant près d’un buisson d’aubépines, un prince trouva ses chausses vides. Il avait une bosse sur le front et son cheval avait disparu. Il en déduisit qu’il avait été attaqué par des bandits.
C’est encore une chance qu’ils ne m’aient pas dépouillé de mes vêtements songea-t-il et en tâtant ses chausses, il sentit un renflement. Il coupa l’étoffe à l’aide d’une branche épineuse et découvrit une chevalière qui avait échappé aux voleurs.
L’emblème princier symbolisé par une couronne et trois lys stylisés lui révélèrent sa condition. Heureux de sa trouvaille, le prince sans nom puisque cette identité était voilée par les brumes de sa mémoire, prit la route, espérant retrouver ses esprits au fil de sa progression.
En chemin, il croisa une jeune fille, panier au bras, qui collectait des plantes, des fleurs et des champignons. Myrtille fit une légère révérence notant la qualité nobiliaire de cet homme qui marchait sans équipage.
« Comment vous nomme-t-on, mon prince ?
Si je le savais, je vous le dirais spontanément mais hélas j’ai perdu la mémoire » dit son interlocuteur.
Myrtille proposa au prince de l’accompagner chez elle. « Nous mangerons de la tourte au poulet si le cœur vous en dit et je vous ferai une tarte à la rhubarbe succulente en cette saison.
Voilà un beau projet que j’accueille avec reconnaissance » dit le prince.
Ragaillardi par cette heureuse rencontre, il se laissa au bonheur de vivre en toute simplicité.
Myrtille concocta des breuvages dont on disait qu’ils pourraient aider à activer les cellules endormies du cerveau.
Sauge, ginseng, romarin et mélisse parfumant du thé vert et des petits sablés produisirent un effet bénéfique sur le prince qui trouva un nom, vraisemblablement celui de son cheval, Cyrus.
Myrtille apporta un carnet à dessins et des crayons au prince qui s’empressa de reproduire la silhouette de son destrier.
« C’est un début de piste lui dit Myrtille, une fois le dessin achevé. Demain, j’irai au marché vendre mes produits artisanaux et j’en profiterai pour enquêter habilement. J’entendrai peut-être parler d’un cheval à vendre ; à coup sûr, ce sera le vôtre. Pour l’instant, allez vous reposer. Je vous ai préparé une chambre d’ami. Vous y serez bien après avoir pris un bon bain chaud ».
Le prince passa une excellente nuit et le lendemain, plein d’espoir, il prit un petit déjeuner conservé au chaud par la jeune hôtesse qui était partie au marché vendre sa marchandise et enquêter.
A son retour, elle était guillerette ; des hommes tentaient de vendre un beau cheval répondant au nom de Bijou, un héritage prétendaient-ils. Elle avait identifié Cyrus au premier coup d’œil : il présentait une sorte d’étoile sur le front. Ce seul détail suffisait à son identification.
« Ils en demandent trente pistoles en louis d’or : je possède cette somme ; je vais demander à mon voisin Marcellin de me rendre le service d’acheter votre destrier pour que l’on ne remonte pas jusqu’à vous.
Ainsi fut fait et Cyrus retrouva son maître avec bonheur. Il appuya sa tête sur l’épaule du prince en un geste qui devait être familier.
« De nous deux, c’est toi qui es le prince » dit-il d’une voix douce et ce tableau charmant fit monter les larmes aux yeux de Myrtille.
Cyrus fit plus que donner de l’émotion à son entourage, il révéla le nom du prince. Philippe du Hainaut en lettres d’or assorti d’une couronne stylisée apparaissait sous la selle.
Heureux de retrouver son identité, Philippe du Hainaut s’isola dans sa chambre avec un pichet de boisson aromatisée pour stimuler sa mémoire.
Des flashes surgirent : la prise d’une ville en compagnie de son roi, le retour vers la terre natale avec un sac d’écus d’or et des bijoux puis l’attaque de trois bandits munis de gourdins ferrés.
Les murailles d’un château franchirent les brumes de son esprit encore chancelant.
Il fut heureux de ne voir apparaître aucun visage féminin jeune dans sa carte-mémoire. Si cela se confirmait, il était donc libre de toute attache.
Il s’était épris de Myrtille et sa seule présence lui apportait du réconfort.
Si elle y consent se dit-il, je l’anoblirai puis l’épouserai et nous aurons le bonheur de voir caracoler des petits princes qui, je l’espère, ne connaîtront jamais les horreurs de la guerre.
A l’évocation de ce joli tableau, il ferma les yeux et s’endormit.
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