L’emploi du temps de la princesse Perle respectait des critères précis, relatifs à la beauté universelle : exercices d’écriture et de lecture sous la direction d’un hibou lettré, poésie et calligraphie, étude de textes littéraires et de romans dispensée par une pie savante se succédaient harmonieusement.
Naomi, la dame de compagnie, commandait des repas savoureux et variés au personnel de cuisine et elle apprenait à la princesse l’art de la couture, de la broderie et de la confection de bijoux artisanaux.
Une heure était consacrée à une promenade dans les bois dans un périmètre précis sous la surveillance de griffons et d’elfes armés.
La princesse grandit en sagesse et en beauté et elle aurait presque oublié ses origines si des rêves ne l’emmenaient pas dans le jardin de son enfance, plus précisément près du bassin où jouaient les carpes koï. Elle les représenta sur sa première toile marquant sa présence par une marelle pourpre et or.
Déplorant l’absence de ses parents, elle exprima sa peine dans un tableau si expressif que Naomi versa une larme et réalisa deux statuettes à leur effigie.
La dévouée dame de compagnie annonça enfin à la princesse qu’elle la conduirait dans les appartements de leur roi.
Je vais enfin savoir pourquoi on me retient ici se dit Perle et elle se laissa apprêter de bonne grâce pour cette rencontre porteuse d’espoir.
Vêtue d’une robe à crinoline rose qui mettait en valeur sa silhouette gracile et son joli visage, chaussée d’escarpins et coiffée avec recherche et naturel, ses belles boucles blondes nappant ses épaules d’un manteau de soie, elle fut présentée à Aquilor, le roi des griffons. Elle lui adressa une révérence qui plut au souverain :
« Venez, chère enfant et sachez tout d’abord que je ne vous veux aucun mal » dit-il d’une voix mélodieuse. L’enveloppant de son aile, il la conduisit à une table de fête où des mets recherchés furent servis. Perle fit honneur à ce repas élaboré avec minutie dans les cuisines de la tour. Près de son rond de serviette se trouvait une figurine à son image ; très émue de se voir ainsi représentée, elle adressa un sourire de remerciement à Aquilor qui reprit la parole juste avant le dessert, une couronne caramélisée fourrée d’une crème à la pistache et aux framboises.
« Ma chère enfant, je vous demande de me pardonner votre enlèvement. J’ai envoyé quotidiennement des messages à vos parents pour qu’ils cessent de s’inquiéter. Une représentation de vos tableaux et un cliché vous représentant à toutes les étapes de votre croissance leur ont été livrés. J’ai ajouté une bourse en louis d’or et des bijoux de prix pour preuve de ma bienveillance. Rassurés, vos parents ont quitté le royaume et ont entamé une autre vie dans une île verdoyante où votre mère a donné naissance à un petit prince, Haruki, Soleil de Printemps, pour leur plus grand bonheur.
Ils ne vous ont pas oubliée et viendront assister à votre mariage ».
Abasourdie par la teneur du message, Perle mangea distraitement sa part de gâteau pourtant délicieux. Enfin, elle osa poser la question qui lui brûlait les lèvres « Qui dois-je épouser » ? ce à quoi Aquilor répondit avec superbe « Moi, Aquilor Premier, roi des griffons, si vous le voulez bien » !
Perle vacilla sous l’impact de la révélation et s’évanouit.
Lorsqu’elle reprit ses esprits, elle était allongée dans son lit, vêtue d’une chemise brodée avec magnificence et pour la première fois depuis son arrivée dans la tour , elle pleura.
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