Plan de conquête

 

 

Levées de bon matin, la maitresse de maison Jasmina et son hôtesse la princesse Lilla se mirent en devoir d’établir un itinéraire pour se rendre à la forteresse où le prince Ilan , disait-on , était détenu.

Cartes à l’appui, elles tracèrent un chemin peu connu du grand public pour s’y rendre car il n’était pas bon de se faire repérer par des forces ennemies.

Nous voyagerons de nuit dit Jasmina ; le jour nous ferons halte en lieu sûr chez des compagnons du devoir dont je suis la mère spirituelle.

Naturellement je ferai partie de l’expédition ajouta-t-elle et je serai accompagnée de quelques guerriers, de troubadours pour donner le change et de cuisiniers dont le talent est hors pair pour assurer notre couvert et éblouir l’un des hôtes de passage.

Lilla approuva ce plan et se confondit en remerciements face à cette aide considérable.

La nuit suivante, la petite troupe, vêtue de noir, les chevaux silencieux grâce à des protections enrobant leurs sabots, prit la route, sans mot dire, s’exprimant par signes pour éviter d’être repérée.

La première halte eut lieu dans une vaste demeure où l’on prit soin de restaurer les voyageurs et de reposer leurs montures.

Soupe d’orties, méchoui d’agneau badigeonné de miel, gâteau basque à la confiture de cerises noires rendirent des forces à la troupe qui prit soin de se reposer jusqu’à la tombée de la nuit suivante.

Le lendemain , la chevauchée fut émaillée de mauvaises rencontres ; des brigands rivalisaient d’astuces pour dépouiller des voyageurs qui n’étaient pas sur leur garde. Des molosses dressés pour ces circonstances eurent raison de ces forbans et l’on poursuivit son chemin jusqu’à la halte nocturne.

Poulets à la broche, sauté de légumes et charlottes à la crème pralinée furent appréciés par tous avant un repos salvateur.

Aux abords du château maléfique, lors de la troisième étape, l’atmosphère devint pesante ; la route était jalonnée de cadavres et les oiseaux s’étaient cachés dans les buissons.

Bon chef de guerre, Jasmina fit planter une tente à l’abri des regards dans une clairière entourée d’arbres protecteurs, symboles d’ Ilan, le prince détenu.

Cette nuit-là, Lilla rêva qu’un faucon l’emmenait auprès du prince, captif dans un cachot.

Au réveil, décidée à suivre la piste du rêve, elle revêtit une combinaison noire moulante, porta un loup et dissimula sa belle chevelure sous un bonnet en latex.

Elle s’assit au pied d’un chêne et attendit la venue de l’oiseau salvateur.

Son intuition ne l’avait pas trompée : un faucon battit des ailes, l’engageant à le prendre pour monture.

Réduite à la taille d’une poupée, la princesse grimpa sur le dos de l’oiseau qui s’envola vers la muraille du château.

Parvenu à bon port, le faucon poussa de son aile puissante la vitre du cachot où se morfondait le prince Ilan ; il propulsa la princesse au pied de celui qu’elle souhaitait délivrer.

Retrouvant sa taille initiale, Lilla fit la connaissance d’un prince, heureux de ne plus être seul.

Libérant sa chevelure, la princesse apparut au jeune homme comme l’héroïne d’un conte de fées dont il rêvait.

Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, se jurant d’échapper au noir destin promis au prince.