Comme à l’accoutumée, Marjolaine se dirigea de bon matin, panier au bras, vers l’étang des Chimères, espérant apercevoir l’une de ces créatures fantastiques, mi-lion, mi-chèvre avec le dos et la queue d’un serpent.
Selon la légende, elle déposait parfois des pierreries sur le bord du lac glaciaire.
Ces pierres précieuses me seraient utiles pour embellir ma maison se disait-elle. Sans trop y croire, elle rentabilisait sa promenade en cueillant baies, fleurs, plantes et en récoltant les trésors de la terre, champignons et racines.
Après avoir fait sa collecte quotidienne, elle s’assit au bord de l’eau, admirant le va-et-vient des poules d’eau, des sarcelles et des canards : « avec de la chance, je trouverai des œufs dans l’herbe, bien cachés à proximité des roseaux ».
Un vol de perdrix et de cailles répondit à son attente et soudain, elle sentit une vague de chaleur inédite : une chimère était à proximité.
Sans se soucier de la présence de la jeune fille, la créature fantastique posa délicatement sur la berge un cœur de rubis.
Tout émue, Marjolaine s’en approcha, espérant que la chimère s’éloigne pour s’emparer du trésor.
La chimère disparut aussi mystérieusement qu’elle était venue.
Au moment où Marjolaine allait mettre la main sur le joyau, une voix retentit à ses oreilles :
« N’y touchez pas ! C’est un piège tendu par la chimère ; elle n’attend que ce geste pour vous entraîner au fond de l’eau dans son palais pour faire de vous une prisonnière idéale ».
La voix se métamorphosa sous l’apparence d’un jeune homme bien mis, le sourire aux lèvres :
« Aurélien, pour vous servir » dit-il de sa voix envoûtante. Il prit le panier de Marjolaine et se fit fort de l’escorter jusqu’à sa demeure.
« Cette créature avait sans doute jeté son dévolu sur votre personne et je m’en voudrais de ne pas vous prêter assistance ».
Le chemin parut court à la jeune fille qui invita Aurélien à partager son modeste repas.
Utilisant habilement les fruits de sa cueillette du jour, elle prépara une tourte aux légumes, une poêlée de champignons et des coupes de myrtilles et de fraises des bois.
« C’est absolument divin et cela mérite récompense » Aurélien sortit de sa poche le cœur de rubis et réapparut sous sa forme de chimère.
« Ne craignez rien, belle Marjolaine, je ne vous attirerai pas au fond du lac. Vous m’avez séduit et mon unique but est de rester auprès de vous. Si ma forme de chimère vous effraie, vous n’aurez affaire qu’au charmant Aurélien ».
Marjolaine faillit s’évanouir mais la chimère reprit les traits d’Aurélien et l’embrassa tendrement en lui murmurant des mots d’amour.
Bientôt des petits princes et princesses jouèrent au bord de l’eau sous le regard attendri de leurs parents.
Seule, une petite princesse du nom de Rose-Amour hérita de la dualité de son père ; elle aimait nager dans le lac des chimères et déclara vouloir attendre la venue d’un beau prince, comme sa maman.
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