Une tour bien gardée

 

 

Guidé par une boussole interne et le vol d’oiseaux décrivant des cercles concentriques, le prince Haruto progressait en direction de la tour où la princesse Perle noyait son chagrin en lisant, peignant et écrivant des odes empreintes de son désespoir.

S’unir à un griffon, fût-il royal, n’était pas dans ses aspirations et elle se demandait comment sortir de cette souricière princière où elle avait cru être heureuse.

Aux abords de la tour, le prince nota que le ciel s’assombrissait. La disparition des oiseaux l’inquiéta vivement. Il ordonna à ses archers de se tenir prêts en cas d’attaque subite. Bien lui en prit car une escouade de griffons apparut à l’horizon. Lorsqu’ils furent à portée de flèches, le prince attendit le premier geste belliqueux d’un potentiel ennemi.

Le chef militaire griffon prit la parole ; dans un discours haché, ponctué de rugissements, il signifia au prince qu’il n’était pas le bienvenu et qu’il devait regagner son royaume au plus vite.

Pour toute réponse, Haruto ordonna à ses archers d’avancer, les doigts prêts à déclencher les flèches. Les griffons firent usage de leurs lance-flammes naturels, mettant le feu à l’environnement forestier de la tour.

Sur un signe d’Haruto, les archers décochèrent une pluie de flèches qui blessèrent les gardiens de la tour. S’ensuivit alors un farouche corps à corps entre les griffons valides et les guerriers du prince armés de haches, de massues et de sabres.

L’issue du combat étant incertaine, le prince Haruto revêtit une tenue couleur de muraille et après avoir donné sa chevalière à Hayato alias Faucon Rapide, son meilleur guerrier, pour le cas où il serait retenu à son tour, s’échappa en se cachant dans les broussailles pour escalader les murs du cachot doré de la princesse.

Agile, il parvint bientôt à la hauteur de la fenêtre qui donnait sur la pièce réservée à la peinture.

Drapée dans sa blouse, la princesse Perle peignait à longs traits le prince venu la délivrer : une colombe lui avait apporté son portrait.

Pleine d’espoir dans la nuit chagrin qui s’était emparée de son âme, la princesse peignait.

De sa dague acérée, Haruto brisa le verre de la fenêtre, arracha les barreaux à coup de sabre et se défaisant de son enveloppe muraille apparut aux yeux de la princesse dans tout l’éclat de sa beauté.

Perle ôta sa blouse : elle était si belle dans sa petite robe de laine turquoise ornée de lys royaux qu’elle éblouit le prince, le plongeant dans un nirvana amoureux et passionné.

Ils connurent des moments de bonheur intense puis le prince Haruto étudia la configuration des lieux pour qu’ils s’en échappent au plus vite.