Les jours passaient, Céladon progressait et éprouvait le besoin de se dépenser. Silvio se résigna à l’envoyer dans une pension où il forgerait sa personnalité et choisirait une profession en accord avec son amour de la nature.
Craignant de tomber à nouveau dans les griffes de la sirène, Silvio avait résolument tourné le dos à la mer et avait inscrit Céladon dans un parc nautique pour qu’il apprenne à nager en toute sécurité.
L’internat dans le pensionnat de prestige était onéreux : il fallait acheter un trousseau complet et cette fois, Silvio se trouva démuni.
Certes, il pouvait vendre un joli lot de perles mais il souhaitait réserver le produit de ses efforts à son fils avec une lettre relatant ses origines par voie testamentaire. Il consulta un notaire à cet effet.
C’est alors qu’il apprit enfin le nom de la généreuse donatrice qui avait changé le cours de son destin. Il s’agissait d’une châtelaine amoureuse passionnée des perles. La comtesse Sophie de Montsoreau était reconnaissante des plongées productives de Silvio.
Grâce à lui, elle avait connu des heures enchantées en jouant avec ses bijoux comme autant de merveilles. « J’ai aimé les perles plus que mes maris » disait-elle parfois à ses confidents.
Elle avait donc légué son immense fortune à l’homme qui lui avait procuré les plus belles heures de sa vie.
« Vous êtes très riche, cher ami conclut le notaire. J’ai suivi les consignes de la comtesse en faisant savoir à l’aubergiste Amélia que votre crédit était illimité. Cependant, il vous est possible de disposer de votre fortune à votre guise ».
Silvio resta un moment silencieux puis il demanda au notaire de lui laisser une somme qui couvrirait les frais de l’éducation de son fils et proposa qu’on lui verse de surcroît l’équivalent d’un salaire mensuel pour envisager une reconversion.
Il n’était plus question de plonger pour ramener des perles au péril de sa vie et il ne souhaitait pas non plus vivre comme un parasite à l’auberge.
Il emménagerait chez lui et trouverait un mode de vie professionnel à sa mesure. Néanmoins il ne couperait pas les ponts avec l’auberge où il avait pu se reconstruire.
Le notaire approuva ces mesures, ajoutant que son crédit auprès d’Amélia resterait inchangé.
« Vous apportez ainsi votre contribution au maintien d’un commerce utile » précisa-t-il puis il lui donna une jolie somme pour parer aux imprévus.
Il continuerait à gérer la fortune héritée.
« La comtesse vous a également légué son château à Montsoreau . Vous pourrez ainsi découvrir de nouveaux horizons. Alexandre Dumas a écrit un très beau roman La Dame de Monsoreau en s’inspirant du château dont vous êtes maintenant l’heureux propriétaire. J’ai appris que vous aimiez la littérature : vous pourrez ainsi profiter de votre séjour pour lire le roman et le faire découvrir à votre fils. Il en vaut la peine ».
Le notaire reconduisit Silvio à la porte de son étude et lui souhaita de profiter des prodigalités d’une châtelaine qui avait tant aimé les perles qu’elle avait tenu à récompenser celui qui lui avait procuré un immense bonheur.
Silvio le remercia pour toutes ses attentions et reprit le chemin de l’auberge pour rassurer Céladon sur son avenir.
Amélia fêta l’événement en servant un cochon de lait farci et des tartes à l’ancienne.
Silvio mit Salomon et Coralie dans la confidence de sa bonne fortune et confirma à Amélia qu’elle avait toujours carte blanche pour son hébergement.
« Toutefois précisa-t-il, à l’exception des vacances scolaires où Céladon et moi-même continuerons à vivre des heures enchanteresses en votre compagnie, il me faudra exercer une retraite en ma demeure pour me consacrer à ma nouvelle profession.
Laquelle ? s’écrièrent les trois amis et Céladon
Celle d’écrivain bien sûr dit Silvio en souriant. Qui pourra, mieux que moi écrire le roman de la mer » ?