Tandis que Roxelane se familiarisait avec ses appartements luxueux, secondée par du personnel spécialisé dans diverses disciplines, cuisine, couture, broderie et confection d’objets grâce à une salle réservée à la poterie et à la peinture, le prince Aziz avait réuni quelques fidèles pour connaître le passé et la filiation de sa bien-aimée.
Le prince trouva enfin le fil de l’écheveau qui le conduirait à la révélation concernant l’histoire de Zahia, la malheureuse mère de celle qui deviendrait sa reine si le passé n’était pas trop lourd pour la couronne.
Un vieux serviteur se souvint de l’arrivée d’un gentilhomme du royaume de France, Henri de Blois, à la cour du roi Abdallah, aïeul du prince.
Henri de Blois apportait des cadeaux de prix, de la fourrure, de l’ambre, des épées forgées en Scandinavie et dans les forges de Brocéliande, des robes d’apparat avec de beaux hennins aux longs voiles.
Le roi Abdallah, curieux de voir quel effet produirait ce type de vêtement sur les dames de sa cour, fit venir Zahia dont la beauté semblait universelle. On lui demanda de se vêtir de ces beaux atours, en vogue à Blois.
Henri applaudit la démonstration, parlant surtout de la coupe du vêtement et de la finesse du voile rehaussant le hennin afin de ne pas indisposer le sultan pointilleux sur l’étiquette royale : nul ne devait regarder de près ou de loin ses favorites.
Ensuite dit le vieux serviteur il se passa un événement hors du commun et difficile à croire.
Après avoir mangé un couscous si bien préparé que l’on se croyait dans un univers féerique, Henri de Blois se retira, prétextant une grande fatigue due au voyage.
Parvenu dans ses appartements, il soudoya des serviteurs à grand renfort de louis d’or et fit venir la belle Zahia en lui faisant croire que le roi Abdallah l’avait choisie pour qu’elle soit sa favorite d’amour en cette nuit.
Henri de Blois fit tamiser les abords de son alcôve et suivant ses consignes, les serviteurs corrompus conduiraient Zahia directement dans les bras de celui qu’elle prit pour le roi en toute bonne foi.
La nuit fut torride ; Henri de Blois prenait son plaisir sans laisser sa partenaire respirer entre deux ébats fougueux.
Au signal donné, les serviteurs emmenèrent la malheureuse dans une pièce occulte dont ils étaient les seuls à avoir la clef.
Le comte Henri de Blois regagna sa goélette avant l’aube et fit mettre la voile vers son fief pour échapper à de possibles représailles.
Le roi Abdallah fut choqué par le départ précipité de son hôte et se promit de s’en ouvrir au roi de France lors d’une prochaine entrevue.
Par la suite, voulant revoir Zahia parée de la jolie toilette en vogue dans le royaume de France, il s’entendit dire qu’elle avait quitté le palais pour se rendre au chevet de l’un de ses proches à la campagne.
Lorsque Zahia fut sur le point de mettre au monde l’enfant né en cette nuit de folie, les serviteurs firent venir une sage-femme muette qui aida de son mieux la parturiente à se délivrer de son fardeau. Ils se réjouirent du décès de la maman, un témoin gênant de leur forfaiture, et confièrent Roxelane aux bons soins d’une nourrice aveugle.
Puis, le sevrage achevé, ils pensèrent que la petite fille livrée à elle-même dans le quartier des femmes avec pour bagage un prénom , Roxelane, choisi par sa mère, ne vivrait pas longtemps sans la reconnaissance de tous.
Or, la petite Roxelane survécut à toutes les avanies réservées aux orphelins dont on ignore les origines et elle parvint à se rendre indispensable en grandissant par son talent.
En entendant ces révélations, le prince Aziz éprouva des sentiments mitigés. L’horrible destin de la malheureuse Zahia le révolta. Il apprit aussi que les serviteurs corrompus ne pourraient pas être châtiés vu qu’ils avaient quitté le palais sous des prétextes fallacieux pour vivre dans le luxe à l’étranger avec les louis d’or de la trahison.
Le prince ressentit un sentiment profond pour la belle Roxelane qui avait hérité des yeux clairs de son père.
« Je vais l’épouser et ne lui dirai la vérité sur ses origines que lorsqu’elle m’aura donné mon premier-né » pensa-t-il et il donna des ordres précis pour que Roxelane vive dans un véritable cocon de bonheur et soit éduquée comme la future reine de son royaume.
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