samedi 6 septembre 2025

Ludmilla coeur de lilas

 


Elle était si belle, Ludmilla, dans sa robe lilas que le soleil perdait de sa magnificence à son contact.

Martelant le pavé de ses bottines, elle se promenait, auréolée de la splendeur de ses vingt ans.

A la hauteur d’un bar de nuit, elle se trouva soudain encerclée par une bande de voyous qui tentèrent de lui voler un baiser ou de procéder à des attouchements de bas étage.

Philémon, ancien boxeur, passait heureusement par là. Il eut vite fait de mettre en fuite les malfrats.

Pour se remettre de leurs émotions, Philémon et Ludmilla s’attablèrent à la terrasse d’un café de bonne tenue et commandèrent du thé à la crème et quelques mignardises.

Philémon avait eu son heure de gloire dans le monde de la boxe. Il avait même été sélectionné pour les jeux olympiques mais à la suite d’un ko, il avait cru perdre la vue.

Il avait donc tourné la page sportive et s’était reconverti dans l’informatique, montant ainsi son cabinet d’expertise.

Il avait élargi sa clientèle en créant des clubs d’exploitation de l’image et il prêtait main forte à une romancière qui peinait à saisir le contenu de ses manuscrits pour obtenir une mise en page nette destinée à ses éditeurs.

«  Vous n’avez rien perdu de vos talents premiers lui dit Ludmilla avec admiration. Vos coups de poing ont fait mouche ».

Philémon sourit et rétorqua que sur un ring, c’était autre chose et qu’un ko n’était jamais anodin.

Perdre la vue, c’est sûrement ce qu’il y a de plus terrible » concéda la jeune fille et elle ajouta qu’une cécité même provisoire donnerait un coup d’arrêt à sa profession.

Elle était plumassière, créant des coiffes pour des artistes de music-hall ou confectionnant des objets d’art à partir de plumes d’autruche, de coq, d’oie ou de faisan et bien entendu les plumes de paon dont les ocelles sublimaient les toilettes et offraient une note exotique aux bouquets luxueux.

«  Nos mains sont ce que nous avons de plus précieux » dit Philémon, plein d’admiration pour cette artiste et il lui baisa la main, tel un personnage peint par Jean-Honoré Fragonard dont il exploitait les toiles pour servir de fond d’écran ou de point de départ à une rêverie aimée par une clientèle romanesque.

«  Nous servons l’art et la beauté » conclut Ludmilla et elle invita le jeune homme à la raccompagner chez elle pour lui montrer ses réalisations.

En chemin ils firent plus ample connaissance et chez Ludmilla,  l’univers plumassier jeta une note esthétique sans égale .

En la quittant, Philémon lui donna sa carte professionnelle, l’invitant à venir voir son repère d’informaticien.

«  Comme la langue d’Esope, dit-il en souriant, l’informatique représente le pire et le meilleur, le pire avec l’intrusion de hackers pervers, pirates modernes et le meilleur avec le partage des connaissances universelles et des créations artistiques fouettant l’esprit et produisant du rêve ».

Il embrassa Ludmilla sur la joue, frôla le satin de sa robe lilas et disparut dans la nuit en emportant la promesse d’un éternel printemps.

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