Caché dans sa bergerie coupée du monde, Andréa Natali se morfondait, pressé de retrouver le monde nocturne des plaisirs parisiens dont il était friand. Un vieux berger sourd-muet lui apportait ses repas. Pain cuit au feu de bois, fromage de brebis, cruche d’eau et un peu de vin rosé étaient invariablement au menu. Ce qu’appréciait le plus le reclus, c’était un bouillon aux céréales servi le matin avec le bol de café et de la langue fumée le dimanche avec parfois un morceau de cabri doré à la broche.
Il reçut un jour la visite d’une jeune beauté prénommée Ornella qui lui apporta, outre son sourire et une conversation limitée, un assortiment de pâtisseries et un flacon de vin du pays. Ils trinquèrent à la prochaine libération d’ Andréa puis la jeune fille disparut en ondulant des hanches.
Or, Ornella Salviani n’était pas la gentille bergère qu’elle prétendait être. Si elle avait bien une grand-mère au village qui lui avait légué son savoir faire pâtissier, elle vivait à Paris, travaillant au sein d’une organisation gouvernementale sécuritaire et elle opérait en Corse en qualité d’agent infiltré susceptible de surveiller le dénommé Andréa Natali que l’on souhaitait neutraliser.
Jouant les amies du dimanche, Ornella gagna la sympathie du reclus en laissant entendre une aversion marquée contre les forces de l’ordre dont le but principal consistait, à ses dires, à restreindre les libertés d’un peuple fier, épris des valeurs insulaires chéries par tous les nationalistes de bon aloi.
Andréa opinait du chef, heureux de voir la beauté s’auréoler de la dague vengeresse.
Peu à peu, il se confia à celle qu’il prenait pour une amie qui portait, en fait, le visage de la trahison. S’étonnant de ne plus voir le vieux berger des premiers jours, il s’entendit dire qu’il avait été appelé au chevet d’une épouse malade sur le continent. En réalité, ce serviteur avait été précipité du haut d’une falaise pour rejoindre les poissons car il avait été clairement identifié comme l’un des relais de Louis Bracq. Le pseudo berger avait été dépêché par le boss pour protéger son homme de confiance.
Ignorant les réalités de la situation, Andréa attendait la venue d’Ornella avec fébrilité. Il réclama des vêtements élégants et coiffa sa chevelure en chignon qui donnait à sa silhouette le point d’orgue de son charme.
Il révéla à la jeune femme qu’il avait été initié à une sorte de chasse au trésor.
« Si tu m’aides à me libérer et à rejoindre le continent, je mènerai ma mission à son terme mais à mon propre compte. Devenu riche, je te prodiguerai les bénéfices de la reconnaissance ».
Ornella mima l’extase, se laissa embrasser par le séducteur et le quitta sur un baiser, déterminée à l’abandonner à son sort et à rejoindre son unité, nantie de la révélation qui justifierait la poigne de fer que l’on devait exercer à l’encontre de Louis Bracq. Il poursuivrait ses méfaits tant qu’il aurait encore des hommes et des femmes dans sa manche, prêts à sévir sans conditions, pour l’appât du gain.

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