Gendarmes et policiers mirent tout en œuvre pour trouver une piste conduisant à l’arrestation du criminel peut-être récidiviste en collectant de multiples données : témoignages et emploi du temps de tous les habitants du village, bornages, repérage de voitures non identifiées et inconnues dans la cité, faits divers en apparence anodins mais chargés de possibilités hypothétiques. Un logiciel adapté à la recherche criminelle se chargea d’engranger les données et présenter de multiples recoupements. Tout était significatif mais demeurait dans le domaine de la fiction.
Il fallait du concret, une conversation exploitable[une silhouette détectée par un radar puis identifiée pour espérer un passage aux aveux.
Cassandre décida de poursuivre ses investigations. Elle partageait ses doutes et ses hypothèses avec Frère Julien en lui apportant des fars bretons et des crêpes réalisés avec les œufs du poulailler de la chère disparue. Ces visites lui apportaient du réconfort dans la mesure où la victime restait au centre de la conversation.
Pour augmenter ses chances d’obtenir des informations complémentaires, Cassandre décida de fréquenter le café du village Chez Victor où circulaient les rumeurs et les faits du quotidien entre deux gorgées de bière et deux gouttes de café.
Elle prit ses quartiers dans ce haut lieu des unes locales. Sa première apparition fit sensation car si le village s’honorait de la présence d’une intellectuelle en leur sein, il déplorait de ne pas la voir ou mieux encore de l’entendre.
Victor, le maître des lieux, se précipita pour la servir. Il prit note de ses goûts et lui apporta un excellent thé au jasmin garni de scones et de cookies.
Les conversations reprirent de plus belle, les consommateurs ayant noté que Cassandre semblait exclusivement intéressée par la saveur des libations et des gourmandises proposées par le patron.
Il arrivait que Victor prenne son accordéon et interprète des mélodies que certains habitués reprenaient en chantant. Une foule de souvenirs assaillit Cassandre qui se souvint notamment que Lydie possédait un électrophone et qu’il lui arrivait d’écouter des chansons de son époque, Les roses Blanches de Berthe Sylva, des romances de Georges Guétary, Luis Mariano, Georges Thill, Armand Mestral et autres chanteurs d’une époque où l’amour occupait une place centrale.
Un habitué soupira en écoutant Les Roses Blanches : « Elle l’aimait tant cette chanson, notre pauvre Lydie ! Je suggère que l’on fasse une collecte pour déposer une couronne de ces roses légendaires sur sa tombe ».
Cette proposition fut acceptée à l’unanimité et Cassandre sortit un billet de banque conséquent pour le déposer dans l’urne qui circulait de main en main.
Ce geste lui valut d’être adoptée et le patron lui demanda sa chanson favorite pour l’ajouter à son répertoire.
Prise de court, Cassandre cita Frou frou, chanson si souvent interprétée lors des repas de famille de son enfance.
Le café entier applaudit ce choix et l’un des habitués lança : « On voit bien que vous étiez l’amie de notre chère Lydie. Cette chanson lui aurait plu ».
Victor l’interpréta sur le champ et lorsque la mélodie fut achevée, un habitué prénommé Léon précisa :
« Ce ne sont pas ses amis du cybercafé qui auraient eu cette attention » !
Cassandre ne savait pas que la gentille Lydie fréquentait un cybercafé, situé sans doute à Cambrai. Pour s’y rendre, elle devait prendre l’autocar.
« Piste à explorer » pensa-t-elle et pour faire honneur à Victor, elle commanda un cappuccino et le savoura, heureuse d’avoir trouvé une piste de recherche !

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