samedi 27 septembre 2025

Le voyage de Samira

 




Trouvant la vie monotone en son palais de marbre, la princesse Samira éprouva le besoin d’entendre les murmures ou les grondements de la mer et elle monta à bord de son voilier, heureuse de se sentir libérée de toute entrave.

Outre des vivres, des présents destinés à ceux qui lui offriraient l’hospitalité lors des escales, elle emportait des livres, avide de confronter le chant des mots et celui des sirènes.

Elle relut en priorité L’Odyssée, admirant la bravoure et la ténacité d’Ulysse. Sa rencontre avec Nausicaa était si poétique qu’elle versait des larmes à ce récit.

En se promenant sur le pont, elle se réjouit en voyant les dauphins bondir avec élégance.

«  Un homme à la mer » cria l’homme de vigie.

On le hissa à bord, couvert d’écume et transi. «  Comme Ulysse lors de sa rencontre avec Nausicaa » pensa la princesse et elle attendit dans sa cabine que l’on donne une apparence décente au naufragé pour le rencontrer.

Lorsqu’il arriva dans un local réservé aux repas, la princesse Samira l’invita à manger des fruits et des galettes de miel. Un pichet d’eau pétillante fut mis à sa disposition. Des dattes et des noix placées avec élégance dans une assiette fournissaient l’énergie dont le naufragé manquait sans doute après un séjour en mer éprouvant.

Invité à raconter son périple, l’hôte se trouva incapable de fournir la moindre explication. Il semblait avoir perdu la mémoire et se montra incapable de décliner son identité.

Alors que la princesse se demandait s’il ne serait pas sage de profiter de la prochaine escale pour le confier aux autorités sanitaires, l’homme remarqua un échiquier et le désigna du doigt avec un plaisir manifeste.

La princesse l’emmena dans sa cabine sous bonne escorte et elle plaça son échiquier personnel sur un guéridon. Elle l’invita à jouer et tous deux se lancèrent dans une partie homérique qui aurait duré toute la nuit si la princesse n’avait pas trouvé raisonnable de se reposer jusqu’au lendemain.

«  Qui que vous soyez, noble étranger, vous êtes certainement issu d’une noble famille pour jouer aussi bien. Les échecs forgent l’âme et je ne doute pas que la mémoire vous revienne au fil des parties que nous jouerons ».

Sur l’ordre de la princesse, on conduisit le champion dans une cabine confortable pour qu’il se ressource et renoue avec le tissu de sa vie.

Voilà un singulier personnage pensa la princesse. Elle était de première force aux échecs et jusqu’à présent personne n’avait été capable de résister à ses multiples stratégies.

Elle s’endormit en rêvant que sa reine portait un coup décisif à la pièce centrale de son challenger, l’obligeant à rendre les armes.

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