Cassandre, jeune littéraire interprète d’ouvrages écrits en mandarin, travaillant à domicile dans son village paisible d’ Avesnes riche en monastères et églises, se trouva confrontée à un événement tragique.
Sa voisine, discrète et d’un certain âge fut retrouvée dans son domicile inanimée et vraisemblablement assassinée par strangulation.
Une enquête fut naturellement diligentée. Lydie Herlem n’avait jamais fait parler d’elle. Couturière à la retraite, elle vivait paisiblement, respectant un horaire personnel fixé. Elle sortait de bon matin pour effectuer ses achats, rentrait chez elle pour cuisiner les plats du jour, se reposait après le repas et se consacrait à la lecture et aux menus travaux l’après-midi.
On releva qu’elle avait son dé au doigt, ce qui laissa supposer qu’elle avait été surprise par son assassin. Pas d’ouvrage de couture à proximité du corps cependant !
Les empreintes retinrent l’attention de la gendarmerie par leur absence, ce qui impliquait le port de gants et autres protections de la part du criminel. On avait donc affaire à une personne soucieuse de ne pas être démasquée.
Cassandre mena parallèlement sa petite enquête car elle éprouvait de la sympathie pour la victime. Lydie Herlem était affable, toujours prête à rendre service dans la mesure de ses moyens.
Emportée parfois par la fièvre traductrice, Cassandre réalisait tout à coup qu’elle n’avait rien prévu pour son repas. Elle toquait à la porte de sa voisine qui se faisait un plaisir de lui offrir une demi-douzaine d’œufs et quelques plats mijotés qu’elle avait réalisés, cassoulet, choucroute ou bœuf bourguignon. Comme elle refusait farouchement tout dédommagement, Cassandre lui faisait parvenir par colis postal une boite de chocolats ou un assortiment en mercerie, dentelles, coupons de soie, pelotes de laine angora, trousse complète d’aiguilles et instruments divers et aussi une boite à couture qui aurait fait le bonheur de la Comtesse de Ségur.
La brave dame assistait à la grand-messe le dimanche. Les cheveux dissimulés par une mantille noire de Caudry, son berceau familial, elle égrenait son chapelet de roses bleues de Lisieux. Elle se recueillait plusieurs fois par semaine ans les sanctuaires de la ville.
Cassandre prit son missel de communiante et partit sur les traces de la victime qu’elle considérait comme une amie. Plusieurs prêtres acceptèrent de lui parler et dirent le peu qu’ils savaient. Ils ne comprenaient pas que l’on ait pu s’en prendre à une si bonne personne toujours prête à rendre service à son prochain. Cassandre abonda dans ce sens, mentionnant l’aide qu’elle lui avait apportée lorsqu’elle n’avait pas eu le temps de préparer un repas.
L’un des prêtres, Frère Julien ajouta qu’elle se rendait parfois au presbytère pour apporter des fars bretons ou des tartes aux fruits, prétendant que c’était bien peu de choses.
Cassandre promit à Frère Julien de lui faire part de ses investigations.
De retour à son domicile, elle se documenta sur la recette du far breton pour perpétuer les dons de son amie. Elle savait faire les crêpes et pour obtenir le meilleur, elle sollicita de la gendarmerie l’autorisation d’entretenir le poulailler de la victime et d’utiliser les œufs.
« Avec plaisir lui dit le commandant. Vous nous rendez service car nous n’aurions pas aimé clore ce poulailler ».
Cassandre prit donc l’habitude de se rendre chaque jour au poulailler pour collecter les œufs et soigner les poules, heureuses de picorer les grains de blé et de maïs et de boire l’eau fraîche à l’abreuvoir.
La jeune femme changea son rythme de vie ; elle prévint son éditrice d’un retard possible de son travail en invoquant un drame familial. Comme elle n’était pas coutumière du fait, sa demande fut accordée et elle put s’adonner à la tâche de détective bénévole.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire