lundi 31 mars 2025

Ronde médiévale

 




Florent connut des moments de bonheur intenses avec Marie qui n’échappait à ses caresses et ses étreintes fougueuses que pour entretenir le manoir et cuisiner des plats gourmands avec l’aide de  jardiniers et de marmitons recrutés pour satisfaire le seigneur des lieux.

Après une année de bonheur simple et sans faille, Florent éprouva le besoin de savoir ce que son épouse était devenue.

«  Elle n’a tout de même pas pris le voile en se prenant pour Guenièvre » pensait-il avec une sorte de cynisme et légèreté.

Par ailleurs il constatait avec une certaine déception que Marie ne portait pas d’enfant en dépit de ses assauts ardents.

C’est alors qu’apparut au loin une escorte chamarrée entourant la belle Lila qu’il avait oubliée. La dame demanda l’hospitalité et elle apportait maints trésors dont le plus beau était un enfant rose et blond :

«  Voici Joyau, votre fils » dit Lila et elle demanda à sa nourrice d’installer le berceau de l’enfant dans une chambre claire et de lui apporter tout le confort possible.

Marie baissa la tête, reprit sa place de servante et demanda à son seigneur ce qu’il souhaitait offrir à sa dame pour le repas du soir.

Elle effaça toutes les traces de sa présence dans la chambre nuptiale, bassina le lit à l’eau de rose et baisa l’oreiller de son aimé en guise d’adieu.

Elle regrettait amèrement de ne pas  avoir porté l’enfant qu’il espérait. Désormais, elle ne serait plus que la servante dévouée au service de son seigneur.

Bouillon de poule, agneau rôti aux fèves et légumes poêlés, tourte de volaille à la salade printanière,  fromage chaud à la rhubarbe, tartes aux poires Bourdaloue et pour le final, des pets de nonne, des merveilles et des choux caramélisés montés sur une modélisation de la belle Lila éblouirent les invités.

Florent eut un geste de tendresse pour Marie, reconnaissant envers celle qui l’avait comblé de son amour juvénile, ce qui n’échappa pas à Lila.

Par la suite, elle ne manqua pas de rappeler à Marie qu’elle n’était qu’une servante par un comportement hautain et orgueilleux.

Sans se l’avouer, Florent n’était pas aussi ardent auprès de Lila quelque peu dominatrice qu’il l’était avec Marie, si douce, si aimante, toujours prête à répondre à son moindre désir.

Le petit Joyau était son unique bonheur et il aimait serrer l’enfant contre son cœur et le faire rire.

C’est avec soulagement qu’il reçut de son suzerain l’ordre de le rejoindre à sa cour.

Il embrassa la mère et l’enfant, entraîna Marie dans le jardin pour qu’elle reçoive son don d’amour une dernière fois et partit pour le château de Pierrelune où résidait le duc de Compiègne, son suzerain.

Florent, le chevalier de l'éternel

 



De retour d’une croisade qui s’était soldée par un bain de sang inutile et des richesses éparpillées aux quatre vents, Florent que ses compagnons d’armes surnommaient le chevalier de l’éternel tant sa bravoure au combat était sans égale, prit le chemin menant à son manoir perdu dans les brumes bretonnes où l’attendait sa dame, Mahaut aux tresses blondes.

Mahaut ne l’attendait visiblement pas car lorsqu’il poussa la lourde porte ferrée, il ne vit personne. Pas même un page pour le servir !

Il battit des œufs pris dans le poulailler, prépara une omelette avec des herbes odorantes, mangea, but un pichet de vin clairet puis après un bain revigorant, il s’endormit dans l’alcôve de ses noces.

Au petit matin, après un repas de brioche et de lait frais apportés par Marie, la fille de son métayer.

La jeune fille proposa ses services pour dépoussiérer le manoir et préparer les repas, ce que Florent accepta avec reconnaissance.

Elle ne savait pas où se trouvait Dame Mahaut et sa parentèle mais les rumeurs la donnaient en partance pour un monastère afin de prier et de supplier qu’on lui rende son époux.

Ces mots mirent du baume au cœur du seigneur et il offrit à Marie l’une de ses bagues portant ses armoiries.

Il sella son cheval Jéricho et partit explorer les environs, espérant croiser en chemin sa dame d’amour de retour de pèlerinage.

Mais il n’en fut rien et c’est une jeune femme à l’hallucinante beauté qui arrêta sa course.

Florent mit pied à terre, laissa son cheval se rafraîchir au ruisseau tout proche et fit quelques pas en compagnie de Lila, la splendide apparition du jour.

Ils s’assirent au bord de la rivière, Lila cueillit des fleurs et les offrit à son seigneur de manière si charmante que Florent succomba à son charme et qu’il l’étreignit fougueusement.

Ils s’endormirent ensuite près d’un buisson d’églantines.

Lorsque Florent se réveilla, il n’y avait personne à ses côtés.

Décidément pensa-t-il, toutes les femmes me quittent, je dois être victime d’un sortilège !

Il rentra au manoir, savoura le plat préparé par Marie, un chou farci accompagné de côtelettes d’agneau et d’une fricassée de champignons.

Elle avait également cuisiné un gâteau dans un moule-cœur et le chevalier s’en trouva ragaillardi.

Elle lui prépara un bain et se retira discrètement pour ne pas affronter la nudité de son seigneur mais Florent la rappela pour qu’elle passe l’éponge sur ses membres engourdis.

Il la pria ensuite de le rejoindre sur sa couche et il connut de tels moments voluptueux qu’il espéra avoir engendré un héritier.

«  Je le reconnaîtrai, ma mie, dit-il en baisant la bouche-cœur de sa servante et il sera chevalier ».

Ayant ainsi parlé, il s’endormit, rêvant que Mahaut avait trouvé sur sa route le chevalier qui le remplacerait.

dimanche 30 mars 2025

Le prince Volodia

 

 


Le panier de Dorothée s’emplissait des trésors de la nature contenus dans le petit bois. Outre les produits habituels, fleurs, champignons et fruits des bois, elle découvrit un parterre de cœurs de feu s’apparentant à des rubis.

Éblouie par tant de beauté, elle fit halte sur un banc de bois près d’une fontaine fréquentée par des oiseaux. Elle ferma les yeux, écoutant la symphonie résultant des murmures de l’eau et du chant des oiseaux.

Elle sentit la caresse du vent et crut à un moment que l’on effleurait son front d’un baiser délicat. Elle ouvrit les yeux et rencontra le saphir d’un regard princier : un jeune homme vêtu de soie bleue et chaussé de mocassins dans la tradition indienne, ses cheveux tressés de perles blondes se tenait devant elle, souriant de manière enjôleuse.

« Permettez-moi de me présenter, belle Dorothée : je suis le prince Volodia et je viens des bords de la Volga pour rencontrer celle que l’on présente dans toute l’ Europe comme la descendante de la Belle chantée par les conteurs.

Je vous demande l’hospitalité car j’ai beaucoup marché ».

Le prince prit le panier de Dorothée, y  glissa une parure en saphirs et emboîta le pas à son hôtesse.

Le feu de cheminée avait été entretenu par Aude, la dame de compagnie de Dorothée. Les deux femmes placèrent dans le chaudron qui pendait à la crémaillère les délices du jour nettoyés et coupés en morceaux, champignons, herbes odorantes, fruits secs, ajoutant à l’ensemble forestier un morceau de viande séchée conservée dans le saloir.

Tandis que la soupe mijotait à petits bouillons, les deux femmes s’éclipsèrent pour revêtir une robe d’apparat digne de leur visiteur.

Volodia s’était assis dans le fauteuil paon et un instant, Dorothée eut l’impression que son paon bien aimé était de retour.

Joliment vêtues de robes de satin turquoise, elles dressèrent la table et préparèrent un entremets pour la conclusion du repas.

Volodia sortit de son sac de voyage un pot de caviar, du saumon fumé et des palets au beurre caramélisés. Dorothée fouetta des œufs pour en faire une omelette fourrée aux dés de fromage et l’on se mit en devoir de goûter ces plats issus des terroirs.

On mangea en silence afin d’apprécier chaque bouchée.

Aude servit les amants qui burent de l’eau aromatisée aux fruits des bois.

Volodia sortit de sa musette une flûte de Pan et il en joua avec tant de dextérité et d’émotion que Dorothée laissa couler ses larmes.

La voix caressante du prince la ramena sur terre :

«  Douce aimée, votre trouble est la réponse à ma question, acceptez-vous de m’épouser ? Je sais que vous avez aimé un paon et que vous avez déposé un baiser sur son aigrette. Ne le pleurez plus car il est devant vous. Par ce baiser, vous avez brisé le sortilège qui me retenait prisonnier sous l’apparence de ce bel oiseau. Vous avez aimé un paon, le voilà devant vous sous la forme initiale et définitive d’un prince qui sera , je l’espère, votre prince charmant ».

Dorothée tomba aux genoux de son prince qui la releva prestement pour l’enlacer tendrement et la couvrir de baisers.

Aude prépara la chambre d’amour et sema la courtepointe de pétales de roses puis elle s’éclipsa, laissant les amants goûter les délices de la passion.