vendredi 21 mars 2025

Le jugement de Dieu

 

 


Entravé et menotté, Adrien de Rochenoire comparut devant un tribunal d’exception . Il fit face à ses juges avec une telle morgue que les arbitres de la paix furent décontenancés.

Le chevalier félon prétendait ne pas connaître la jeune duchesse Framboise des bois et présentait le vol de l’armure de Louis de Concarneau comme un geste de protestation contre l’injustice rendue à son endroit «  Je voulais participer au tournoi. Comme je n’y avais pas été convié, j’ai pris cet oubli comme une offense à ma personne et j’ai vu dans cet emprunt l’occasion de réparer l’outrage subi » dit-il avec assurance. Puis il ajouta qu’il réclamait le jugement de Dieu.

«  Seul, le roi des cieux déterminera si je suis coupable. Je demande un affrontement avec le chevalier plaignant qui, soit dit en passant, s’est montré bien léger en se défaisant de son armure pour se livrer au plaisir profane de la baignade ».

Louis de Concarneau accepta le combat car il avait conscience de sa faute ; profondément croyant, il s’en remettait à Dieu : il sortirait de cette lutte blanchi et pardonné ou mort !

Il se recueillit avec ferveur tandis que l’on préparait l’enceinte du combat.

Les combattants entrèrent dans l’espace consacré, vêtus d’une tunique et de chausses, pieds nus.

Ils n’avaient d’autres armes que la force de leurs bras et l’agilité de leur jeu de jambes.

Chacun retint sa respiration lorsque le prieur du monastère, Ambroise le Tourangeau donna le signal du combat après avoir béni la terre sablonneuse de l’enclos consacré.

Adrien tenta de terrasser d’entrée de jeu son adversaire mais Louis fit preuve de résistance en esquivant les assauts furieux du contestataire.

Son jeu de jambes était fascinant et il n’offrait aucune prise au combattant brutal qui se disait offensé.

Le chevalier félon enrageait de ne pas pouvoir assommer l’homme qu’il avait, en partie, déshonoré en le privant de son armure et il rêvait de l’achever de ses poings puissants.

Ne pouvant résister au désir de parvenir à ses fins par un acte décisif, il ramassa une poignée de sable et tenta d’aveugler Louis de Concarneau pour le bourrer de coups plus facilement.

Heureusement, Rose de feu, omniprésente en toutes circonstances, transforma le sable en voile de rose ce qui rendit au chevalier champion du Christ un regain de pugnacité.

Il fondit sur le félon comme un oiseau de proie, le précipita à terre et en exerçant une pression sur son cou, il lui coupa la respiration jusqu’à le laisser sans vie dans l’enclos consacré.

Louis de Concarneau sortit vainqueur du combat : les voix divines s’étaient exprimées en le blanchissant de sa faute initiale, un acte de légèreté qu’il se promit de ne plus renouveler.

On lui rendit ses armes mais le duc, en lui donnant l’accolade, lui suggéra de ne plus les porter car elles avaient été souillées au contact d’un chevalier félon.

«  J’ai passé une commande à mon forgeron personnel pour qu’il réalise un équipement complet digne du chevalier christique que vous êtes devenu grâce au jugement de Dieu conclut-il. En attendant, vous resterez au château en qualité d’hôte d’exception et je vous autorise à faire la cour à ma fille Framboise des bois si vous le désirez car vous  vous êtes montré digne d’être mon gendre ».

Louis de Concarneau se confondit en remerciements, demandant simplement que la jeune duchesse soit consentante.

Toute rougissante, Framboise des bois offrit son mouchoir brodé à ses initiales au chevalier désigné en signe d’assentiment.

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