Séminaire littéraire

 

Les jours suivants, chacun s’ingénia à se montrer digne de l’accueil généreux qui lui était réservé.

Aurore eut à cœur de produire un texte poétique et elle choisit un thème médiéval, à l’image de la Dame à la licorne, mettant en lumière une dame embarrassée par le choix imposé d’un époux tant les seigneurs de son entourage rivalisaient de charme et de talent.

Chacun comprit l’allusion personnelle de l’allégorie et fut sensible au fait qu’Aurore ne ressentait pas l’obligation de choisir un époux comme une incontournable fatalité.

Ce point éclairci, on se livra sans retenue au plaisir d’aimer par l’écriture ou la chanson et l’on passa des moments si délicieux que la reine Bianca sollicita l’autorisation d’assister à ces séances exaltantes en compagnie de gentilshommes de sa suite.

Rosemonde se déclara honorée et redoubla de prodigalité pour que sa table soit à la hauteur d’une exigence royale.

Bianca ne vint pas seule. Outre son escorte lettrée, elle était accompagnée d’une cuisinière de talent et de marmitons.

Elle apportait de la semoule, du riz, de la farine, du lait, des œufs, des volailles et de la viande de bœuf destinée aux rôtis et aux préparations marinées et braisées.

Sucre, vanille, rhum, raisins secs, amandes, noix, noisettes et fruits confits permettraient à Dora la cuisinière d’exprimer tout son talent.

Ces détails réglés, on en revint aux joutes littéraires.

Il s’avéra que dans la suite de la reine, il y avait des personnes amoureuses des Belles Lettres. Du sang neuf fut ainsi apporté et les moments de grâce se succédèrent pour le bonheur d’un public passionné.

Le connétable de la reine, Mérovée de Belladone composa un magnifique hymne à l’amour. Chacun crut entendre une déclaration à sa reine en filigrane, la souveraine étant de fait inaccessible de par ses fonctions. Bianca fut sensible à cette subtile supplique et elle versa une larme furtivement.

Amaryllis, la princesse syrienne, subjuguée par la beauté du texte, demanda à Mérovée l’autorisation de mettre son œuvre en musique, ce qui lui fut accordé sans hésitation, le connétable ayant eu vent du talent de la princesse.

Des duos se constituèrent ainsi et il ne resta, après regroupements complémentaires, que quelques individualités marquées.

Le choix des prétendants potentiels se restreint pensait Rosemonde avec une certaine satisfaction.

Cependant, Aurore songeait de plus en plus à garder son indépendance.

Deux esprits forts confrontés mèneront surement à un difficile équilibre conjugal se disait-elle non sans raison et elle prit la ferme résolution de profiter de ces moments de création pour affiner sa ligne personnelle.